onzième séance.

Le Tribunal s’est réuni à 2½ heures de l’après-midi, tous les Arbitres étant présents.

M. le President. Le parole est à M. l’Agent des Etats-Unis de l’Amérique du Nord.

Mr. Ralston. On the 21st of August, the chargé d’affaires of Mexico in the United States addressed a demand for discovery upon the United States to the following effect: “Whether it is true that there are Indians who are not Christianized or who are wholly free from obedience to the authorities in the State of California.” We have prepared our discovery and have it printed, and I will file, with the permission of the court, the original and certified documents, as well as printed copies, and we shall on our own account desire the evidence to be placed before the court. Adding one word, I may say that the exhibits which are attached to the letters certified by the Secretary of State are taken from the Annual Report of the Commissioner of Indian Affairs for the year ending June 30, 1901, which is the official document which I shall deliver to the secretary-general. The exhibits show that there are in the Catholic schools—Indian Catholic schools within the territories regarded as a part of California—1,177 Indians.

Sir Edward Fry. Not the State of California?

Mr. Ralston. Not the State of California. In the State of California there are 234 attendants. The total is as I have stated. In addition there are in the State of California about 15,377 Indians, and in the limits of California as shown by the map filed here the other day—in Alta California—there are 68,397 Indians, and the additional territory which we consider was formerly claimed by Spain under the name of California has some 20,000 additional Indians. But at any rate, limiting ourselves to the territory ceded by the treaty of Gaudelupe Hidalgo, there are more than 60,000 Indians.

M. le President. Nous prenons acte de votre communication. M. le Secrétaire général communiquera ce document à l’adversaire. La parole est au Conseil des Etats-Unis du Mexique, M. Delacroix.

fin de la plaidoirie de m. delacroix.

Messieurs: Pour terminer ma plaidoirie sur le fond du procès, je n’ai plus à analyser devant vous qu’un document de la plus haute importance, que nous considérons à lui seul comme décisif; nous croyons que s’il a pu rester encore après ces débats un doute dans [Page 689] l’esprit de la Cour au sujet du fondement de la thèse que nous avons l’honneur de lui présenter au nom du Mexique, ce doute sera dissipé par le document que vous allez connaître.

Dans le livre rouge que vous possédez, il y a à la page 343 un document dont je veux vous faire une courte analyse parce que vous allez apercevoir immédiatement son importance.

Avant de formuler la réclamation dont le Tribunal est actuellement saisi, l’Eglise catholique de la Haute Californie avait formulé une prétention analogue devant le Tribunal américain de la Haute Californie. Sa prétention était celle-ci; elle disait: Il y a dans la Haute Californie des biens de Missions, des terres, des vergers, des propriétés, des établissements de tout ordre, qui ont été autrefois acquis par les Missions, nous sommes, nous Eglise catholique, évêchés de la Haute Californie, les successeurs des Missions, et par conséquent c’est à nous que ces biens appartiennent.

Ces biens, messieurs, avaient une importance considérable. La question a été soumise au Tribunal américain en octobre 1856, la Cour trouvera dans les pages 343 à 350 Pindication du systeme qui fut présenté devant le Tribunal américain par l’Eglise de la Haute Californie. Ce système, messieurs, vous le lirez, mais je demande la permission de vous indiquer et d’analyser devant vous la réponse qui fut faite, non pas pour l’Etat américain mais par tous ceux qui étaient intéressés à ce que ce ne fût pas l’Eglise de Californie qui eût l’attribution de la propriété de ces biens des Missions.

La question était importante, elle a été etudiée en droit de très près, et voici ce qui fut répondu par le sollicitor qui répresentait les parties défenderesses. Il fut établi devant les tribunaux américains de la Haute Californie que l’Eglise américaine n’avait pas de personnalité civile et que par conséquent elle n’avait pas de capacité pour recevoir.

Cet argument est absolument décisif, puisque nous avons discuté jusqu’ici le point de savoir si les autorités, le pouvoir souverain du Mexique ou de l’Espagne, avaient transféré des droits civils au profit de l’Eglise, et je crois avoir démontre avec succes qu’il n’en est rien. Mais voici que maintenant, par une démonstration absolument décisive, nous en arrivons á pouvoir établir que non seulement on n’a rien transféré mais que l’Eglise était impuissante à recevoir. Voici done (page 350) les quelques considérations qui ont été présentées:

1. L’Eglise, nous dit M. Horace Hawes, était originellement incapable d’acquérir, de posséder, de transférer des biens fonciers.

2. Subséquemment, quand ce pouvoir d’acquérir etde posséder (mais nond’aliéner) des biens temporels, fut conféré à l’Eglise, ce fut sous de grandes restrictions. Et il ne pouvait s’exercer sans l’expresse sanction, pour chaque acquisition, du pouvoir souverain.

3. Les modes par lesquels l’Eglise peut aequérir, ou les titres et documents nécessaires pour conférer le droit (de propriété) sont les mêmes que ceux requis daus le cas de particuliers ou d’autres personnes ciyiles, avec l’addition de la sanction souveraine.

4. Toutefois, contrairement au cas des particuliers, le droit de l’Eglise d’acquérir des biens fonds n’est pas inhérent, ni d’origine divine, mais purement d’ordre civil, créé par des lois civiles et sujet aux limitations qu’elles peuvent imposer.

Voici done que Phonorable avocat qui défendait alors les intérêts dont nous avons la charge aujourd’hui—e’étaient les mêmes—disait: L’Eglise n’a pas par essence le droit de posséder ou d’acquérir des biens, il faut qu’une loi le lui ait attribué. Nous allons rechercher, [Page 690] dit-il, quelle est la loi civile qui aurait donné à l’Eglise le droit de posséder; et il ajoute:

5. Bien que l’Eglise comme corps spirituel, restreinte aux objets spirituels de son institution divine, existe indépendamment de et en dehors du contrôle de l’Etat; cependant, envisagée comme corporation et proprietaire de biens temporels, elle est simplement une communauté politique, une partie constituante de l’organisation politique de la société, n’ayant que les droits de celles de sa catégorie, et sujets à tous les changements et modifications qui peuvent y être apportés.

6. Les acquisitions de l’Eglise, comme celles de toutes autres communautés politiques et au contraire des personnifications civiles fondées dans un but commercial, ne sont jamais, ni en tout ni en partie, la propriété de ses membres; elles ne sont pas davantage destinées a leur bénéfice individuel, mais aux usages d’ utilité publique que la “corporation” a pour but de poursuivre.

Voici done qu’il établit que l’Eglise, si elle a pu a un moment posséder, ne possédait pas au même titre qu’un particulier ou une soeiété commerciale. Quand une société commereiale vient à se dissoudre, tous les elements qui la composent, toutes les personnes qui en font partie ont une part du produit de la liquidation; tandis que l’Eglise catholique n’a rien pour ses membres, elle ne peut avoir que comme corps en vue de la destination que l’on a eu en vue.

7. L’Eglise, considérée sous l’aspect dont elle est revênue dans les propositions précédentes, est done à proprement parler un simple administrateur de propriété publique, placée sous sa gestion pour des raisons politiques et qui, en cas de dissolution de l’existence politique ou civile de l’Eglise, retourne ordinairement a la masse de la propriété publique, sous réserve de tous droits de reversibilité existant, le cas échéant, en faveur de ceux qui représentent les donateurs.

Messieurs, dans la prétention qui était présentée au nom de l’Eglise catholique, on avait dit: En Espagne, et plus tard au Mexique, le droit canon était en vigueur au moins pour toutes les dispositions qui n’étaient pas contraires au droit civil; or, d’après le droit canon, l’Eglise a le droit de posséder, par conséquent l’Eglise mexicaine aurait été susceptible de recevoir un transfert de propriété ou d’acquérir une créance contre le Gouvernement. C’est à cela, messieurs, que va répondre l’avocat des defendeurs:

Les membres des ordres religieux, dits clergé régulier, qui seuls furent employés comme missionnaires dans les Indes sont considérés en droit comme étant civilement morts (“morts pour le monde”) et incapables d’acquérir ou de posséder en aucune manière.

Les Missions n’étaient pas des “corporations” mais des établissements fondés par le Gouvernement, pour le progrès de la population, de la civilisation et du ehristianisme. Le pouvoir ecelésiastique n’avait pas de contrôle sur elles, ni aucune possession de terres ou autre propriété dependantes d’elles—et cette possession n’était pas davantage investie en les pères ou missionnaires religieux.

La seule possession distincte de celle des membres de la cominunauté était la possession du Gouvernement; les missions elles-mémes et les pères, les escortes militaires et “administradores” étant de simples instruments et agents du Gouvernement.

Et alors, messieurs, voici que ce document nous apprend que par un decret espagnol du 27 septembre 1820, décret promulgue a nouveau en Espagne le 30 aout 1836, il est décidé que les églises, monastères, couvents et communautés ecclésiastiques de toute nature quelconque, d’ordres tant séculiers que réguliers, hôpitaux, maisons de refuge, Hôtels-Dieu et d’instruction, confrèries, commanderies et autres établissements permanents aussi bien ecclésiastiques que laїques connus sous le nom de mainmorte n’auront désormais aucun pouvoir d’acquérir des biens immeubles dans aucune province de la monarchic ni par testament, ni par donation, achat, échange, etc.

Voici donc, messieurs qu’un décret espagnol promulgué en Espagne [Page 691] à l’époque où le Mexique faisait encore partie de cette nation, c’est-à-dire le 27 septembre 1820, décide qu’aucune église, aucune communauté religieuse tant séculière que reguliere, ne peut posséder, ne peut acquérir ni par testament, ni par donation; done, s’il y avait une destitution de toute capacité de recevoir c’est bien dans ce décret que nous en trouvons la proclamation la plus absolue et la plus offieielle. De telle sorte que si l’on prétendait que par les documents suecessifs, par les décrets de 1836, 1842 et 1845 l’Eglise avait acquis un droit, on devrait reconnaître que l’on serait revenu sur une législation promulguée en 1820.

En continuant la lecture de ce document, nous trouvons, à la page 352:

Arguilles, dans son “Dictioianario de Hacienda,” article “Ventas” indique à propos des mémoires d’Ouvrard, publiés a Paris en 1806, qu’en novembre 1804, le Pape Pie VII a approuvé une cédule royale, signée par Charles IV, par laquelle était ordonnée la vente de toute la propriété ecciésiastique d’Espagne et des Indes.

Dans la suite de ce document vous allez voir la démonstration de ceci: c’est que le droit canon n’avait qu’une valeur coutumiere en Espagne, que c’était dans l’échelle des lois le dernier échelon; et voici l’importance de ce fait: c’est que l’on avait dit: D’après le droit canon, l’Eglise, les évêchés, peuvent avoir des propriétés. A cela on répondait: Soit, d’après le droit canon, mais pour autant que le droit canon ne soit pas contraire à l’une ou l’autre des dispositions des lois civiles qui doivent le primer. Or il est établi que dans l’ordre de ces lois viennent en premiere categorie les lois nationales subséquentes à l’indépendance, puis les lois espagnoles promulguées avant l’independance, puis les réglements royaux, puis les réglements des alcades, puis telles et telles lois, et finalement et en dernier lieu les “Partidas.” De façon qu’il n’y a pas de doute que d’après la loi espagnole—tout cela est développé ici avec une minutie qui ne pourra pas échapper au Tribunal lorsqu’il voudra bien consulter ce document—l’Eglise ne pouvait pas posséder, n’avait pas de capacité; et si elle n’avait pas de capacité le procès est résolu.

Nous avons jusqu’a présent démontré qu’on ne lui avait pas donné, mais si elle n’était pas capable de recevoir, toute discussion devient superflne,

Puis, nous voyons encore:

Toutes bulles, brefs et rescrits de conciles généraux ou autres dispositions ecclésiastiques, même si elles concernent des sujets de Foi et de discipline, doivent être soumis à et recevoir le “Pase” du gouvernement avant de pouvoir être promulgués.

Ceci était encore en vue d’établir que l’Eglise n’avait pas pu donner par un bref un droit civil à une autorité ecciesiastique, parce que ces bulles ne pouvaient avoir de valeur qu’a la condition d’être publiées, et elles ne pouvaient être publiées qu’avecune autorisation du pouvoir civil.

D’ailleurs, messieurs, il y a une distinction qui est très nettement établie par ce document: c’est la distinction dans l’autorité ecclésiastique entre le caractêre civil et le caractère religieux. Tout ce qui concerne la partie religieuse des pouvoirs de l’autorité ecclésiastique relève du Pape, sous un contrôle plus ou moins precis de l’autorité civile; mais en ce qui concerne les droits civils que peut avoir une autorité religieuse ou une communauté religieuse, cela relève du Roi; c’est done la loi qui doit prévaloir dans l’interprétation que nous recherchons ici.

[Page 692]

Voici un nouveau décret que nous n’avions pas cité jusqu’ici:

Par décret du Congrès du Mexique en date du 16 mars 1822, les biens temporels des ordres religieux furent mis en vente, et le produit de cette vente consacré à l’entretien des troupes.

J’ai eu l’honneur de vous exposer hier, lorsque je faisais l’histoire des faits, qu’en 1820 notamment c’était une période d’agitation et de trouble, que l’Espagne était inquiète de voir se démembrer son territoire par l’indépendance qui serait proclamée au Mexique; elle est dans un moment de nécessité, que fait-elle? Elle prend les biens des ordres religieux et elle le fait pour entretenir les troupes.

Par autre décret du même Congrés, en date du 30 juin 1823, il est ordonné que la propriété de San Lorenzo sera délivrée aux eitoyens de Chapalzingo selon un mode juste et équitable de distribution, etc.

Voilà que l’Etat distribue les biens. Cela vous montre combien l’Etat disposait de tous les biens sans que l’Eglise protestât.

Par autre décret, même Congrès, du 5 mai 1823, il est ordonneé que les biens fonds de l’ex-Tribunal de l’Inquisition et d’autres communautés éteintes, soient cédés par petits lots. Le 16 du même mois, l’ordonnance est renouvelée et étendue à tous biens temporels. Par la loi générate du 4 août 1824, il est déclaré que les biens temporels (des ordres éteints et de l’ex-Inquisition) appartiennent à la Nation.

Ce document que je voulais faire passer sous vos yeux n’est pas une plaidoirie, ce n’est pas un développement, ce sont des faits, ce sont des décrets, qui vous montrent combien l’Etat se considère toujours comme le propriétaire de tous les biens dont s’agit. Il en dispose, et cette fois il en dispose sans réserve aucune, pour l’entretien des troupes, pour distributions diverses, il en dispose en maître, sans protestation aucune.

Par décret du Congrès général du 25 mai 1832, la possession et l’administration de ce Fonds pieux furent placées exclusivement entre les mains du gouvernement.

Ceci, vous le connaissez: c’est la loi que nous avons analysée, par moi hier, et qui, notez-le bien, est invoquée par des Américains; il s’agit d’un procès qui été plaidé dans la Haute Californie américaine, et cette loi a été invoquée dans le même sens que nous l’invoquons ici, à savoir que c’est un acte par lequel le gouvernement marque son intention de disposer des biens et règle les conditions dans lesquelles il voudra les louer, les administrer, etc.

Voici maintenant, messieurs, que, toujours dans le même document, on va établir le caractère des Missions. On a discuté devant vous le point de savoir si ces Missions avaient un caractère politique ou religieux, si l’un de ces caractères prédominant sur l’autre; comme il s’agit d’un procès analogue du notre, le même caractere a été discuté devant le Tribunal américain de la Haute Californie, et voici ce qu’un rapport américain va établir (page 354):

Le caractère de ces établissements est exactement indiqué au Rapport officiel qu’adresse au Gouvernement des Etats-Unis Wm. Carey Jones, en 1849.

Le gouvernement nouveau, le gouvernment conquérant, a pris possession de la Californie; il charge un agent américain—qui est donc l’organe de la partie contre laquelle nous avons l’honneur de plaider ici—de faire dès 1849. un rapport officiel au Gouvernement américain sur le caractère des Missions; voici ce qu’on y lit:

Dans le royal “Réglement pour les Presidios de la Peninsule de Californie, l’érection de nouvelles Missions, le développement de la population et l’extension de [Page 693] l’établissement de Monterey,” approuvé par le Roi le 24 octobre 1781, se trouvent des dispositions minutieuses concernant les Missions déjà fondées alors et celles qui devaient être fondées dans la Haute Californie: il suffit de les consulter, particulièrement le titre XV, pour constater que toutes les Missions dans cet Etat étaient, dans l’acception la plus stricte de l’expression, des établissements gouvernementaux, fondés, réglementés et gouvernés j usque dans les plus infimes détails, par le pouvoir civil et supportés exclusivement par le Trésor royal.

Voici done que l’agent officiel des Etats-Unis apprécie ainsi ce que sont les Missions.

Sir Edward Fry. Où trouvez-vous cela?

M. Delacroix. A la page 354 du livre rouge. C’est toujours dans ce débat qui à eu lieu devant le Tribunal américain et où la même question que celle qui vient devant vous à été discutée, que nous trouvons cette série de documents officiels par lesquels je voudrais terminer ma plaidoire, afin de vous montrer que tout ce que nous avons dit se trouve appuyé par des documents émanant précisément des Etats-Unis.

Au rapport d’une Commission spéciale nominée par le Gouvernement mexicain pour présenter un plan de réglement applicable aux Missions de Haute et de Basse Californie, daté le 6 avril 1825, nous faisons l’extrait suivant:

La Junta reconnait que le grand progrès fait par les Missions établies par les Jésuites de la Vieille Californie, comme par celles établies dans la Nouvelle, par les Ferdinandites (ou Franciscains) est attribuable au système espagnol de découvertes et de conquêtes spirituelles — elle sait aussi les éloges que ces établissements ont mérités non seulement de la part d’Espagnols, mais aussi d’étrangers éclairés.

L’état dans lequel les missions actuelles se trouvent ne correspond pas au grand progrès qu’elles ont fait-an début. Cette décadence esfrnotable dans la Basse Californie, et suffirait à prouver que le système doit être modifié et réformé. Mais parmi ces réformes, celle-là est indispensable qui à pour cause le détournement dont les Missionnaires ont eu à souffrir de leur ministère essentiel; ayant à s’occuper des intérêts temporels de chaque Mission, de son administration et Gouvernement. Indépendamment que ceci porte préjudice au but et à la destination principale des Missions (lesquels furent tout à fait politiques et d’ordre temporel), la chose n’est réalisable que moyennant d’entrainer un relâchement sensible des vœux professés par les fils de San Francisco, sans opposition avec l’esprit et la lettre de la bulle d’Urbain VII du 22 février 1633, laquelle ordonne que les moines missionnaires s’abstiendront de tout ce qui puisse avoir couleur d’affaires, marchandises ou trafic.

C’est-à-dire qu’à un moment donné un rapport officiel dit: C’est un tort de conserver à ces Missionaires ce charactère d’administrateurs, ils font des affaires, c’est contraire à leur essence religieuse, puisqu’ils font du commerce, ils font des affaires, ils vendent des marchandises, ils font du gouvernement, de l’administration, de Part militaire, de la justice; mais alors ce ne sont plus des religieux, ils oublient leur caractère religieux, c’est contraire aux règles de leur ordre. Voilà ce qu’on trouve dans un rapport officiel.

Je continue, et je trouve à la page 355:

Dans un rapport d’un Comité de la même Junta, daté du 13 mai 1827, concernant les réglements à adopter pour le Gouvernement des Californies, il est dit:

Même l’ordre du gouvernement en vertu duquel ce pays délicieux commença à être gouvernè fut original; les Missionnaires étaient à la fois gouverneurs civils et pères spirituels; ils établirent la vente ascendante de “reductions,” missions et “pueblos,” mais dans toutes ils étaient les gouverneurs, et le supérieur des Missions réunissait sous son couvre-chef l’authorité civile, ecclésiastique et militaire; les troupes de protection étaient sous ses ordres; de sorte que le renouvellement de la catastrophe qui s’est produite au Paraguay n’eût pas été surprenant.

Ce document officiel vous démontre que les pères Jésuites étaient considérés comme des agents du gouvernement.

Je ne vous lis pas les réflexions qui furent faites alors et les déductions qui furent tirées par l’avocat des Etats-Unis ou du défendeur [Page 694] dans ce procès, parce que je veux me borner à des citations de documents officiels. En voici un autre:

En 1844, Manuel Castanares résidait à Mexico, en qualité de député élu au Congrès général pour le département de Haute Californie.

C’est ce député de la Haute Californie qui va prendre la parole à Mexico, et voici ce qu’il va dire le 13 mai 1844:

Il n’est pas douteux qu’à ces établissements cette péninsule doit l’origine de son existence politique; que les Missions constituaient son gouvernement primitif; qu’elles ont toujours été considérées comme alliées avec les formes antérieures deson administration et qu’en tout cas le système qui pourra être adopté quant aux Missions constituera une part essentielle de ce qui pourra être établi pour la prospérité et le développement du pays. Le plus grand tort qui ait pu être fait à mon Département était l’aliénation de la propriété appartenant au Fonds pieux de Californie par le gouvernement provisoire. Ce Fonds en lui-même constituait un ievier sumsant pour donner une impulsion générate à ce pays, sans négliger pour cela l’objet d’origine de son institution.

D’autres citations sont faites qui sont également intéressantes et que je ne puis m’empécher de vous indiquer. Dans un autre discours de ce même député de Californie, qui avait done qualité pour prendre la parole au nom de la Californie, nous trouvons ce qui suit:

Je donnerai à Votre Excellence (le Ministre des Relations) une autre indication quant aux fonds qui peuvent en partie être consacrés à cette mesure, laquelle est le salut pour le territoire national: tous les biens temporels des missions sont une propriété leur appartenant en commun, et dans laquelle les Missionnaires et les ordres religieux dont ceux-ci dépendent n’ont rienau-delà de la mission de l’administration par délégation du gouvernement.

C’est done le député de la Californie qui va lui-même dire quel est le rôle des missionnaires: ils n’ont rien, dit-il, sauf l’administration au nom du gouvernement.

Eh bien, je crois, messieurs, que ces citations n’étaient pate inutiles et qu’elles sont au contraire décisives en ce qui concerne le litige dont vous avez à connaitre.

Il est encore dit, à la page 356:

Le réglement général sur la colonisation en date du 21 novembre 1828, article 17, stipule que “Dans ces territoires où il peut exister des missions, les terres que celles-ci occupent ne seront pas colonisées actuellement, ni jusqu’ à ce qu’il soit décidé si elles devraient être considérées comme propriétés des ‘reducciones,’ néophytes, catéchumènes ou colons mexicains.” Cette situation transitoire prit fin par acte du Congrès du 26 novembre 1833, stipulant que “le Gouvernement est autorisé à prendre toutes les mesures pouvant assurer la colonisation, et à réaliser la sécularisation des missions des Haute et Basse Californie, étant autorisé à employer dans ce but et de la manière la plus efficace les biens des ‘obras pias’ desdits territoires, arm de fournir des ressources à la Commission, ainsi qu’aux families en destination (de ces territoires) qui sont actuellement dans cette capitate.”

Ceci, messieurs, est extremêment intéressant. En 1828 le gouvernement, qui se preoccupe de ces missions tombées en décadence, va charger des families mexicaines d’aller peupler la Californie; qu’est-ce qu’on fait? On donne au gouvernement le droit de disposer de tout ce qui appartient aux missions pour entretenir ces femilles. C’est une autre application du Fonds, de tous ces biens qui étaient aux Missions. Est-ce que ce n’est pas encore une affirmation en fait du droit que précisément possédait l’Etat de disposer de tous ces fonds?

Dans-les réglements provisoires adoptés par Figueroa, le 9 aout 1834, pour exécuter la loi du Congrès, il est pourvu que les vignobles, vergers et champs de blé seront cultivés par les Indiens en commun … jusqu’ à ce que le Gouvernement suprême prenne une mesure définitive.

[Page 695]

C’est-à-dire que dans toutes les dispositions législatives, dans toute cette série de décrets qui sont énumérés ici, vous voyez toujours qu’il est affirmé à chaque pas, à chaque page, que c’est le gouvernement qui dispose; etil dispose dans les formes les plus variées, il dispose suivant sa fantaisie. Est-ce qu’il pourrait le faire, je vous le demande, est-ce que cette série de decrets aurait été possible s’il s’agissait de biens d’Eglise? Est-ce que cette série de décrets que je viens d’énumérer devant vous ne constitue pas le renversement le plus absolu de toute la thèse que l’on peut présenter de l’autre côté de la barre?

Il serait superflu de mentionjier en particulier chaque disposition des gouvernements, général ou départementaux, ou du Congrès, sur la question; les divers réglements de Figueroa, d’Alvarada, de Micheltorena et Pio Pico, dont les plus importants sont in extenso dans Rockwell, 455—477, et analysés dans le Rapport de Jones 8—22, prouvent sans laisser le vestige d’un doute, que ni les Pères missionnaires, ni l’Eglise, n’ont jamais eu titre ni propriété d’aucune des terres des Missions, mais que les premiers les administraient, pour employer les propes termes de Castañares déjà cité “en vertu d’une commission du gouvernement.

M. Asser. Je trouve, aux pages 358 et 359, le jugement de la Cour, rendu en appel dans cette affaire, confirmant, n’est-ce pas, le jugement de premiere instance?

M. Delacroix. Parfaitement.

M. Asser. Je voudrais vous demander, si la demanderesse était l’Eglise, qui était défendeur?

M. Delacroix. Je ne l’ai pas dit parce que précisément, cela ne s’y trouve pas. Il y a M. Horace Hawes qui se présente pour les défendeurs lesquels devaient être tous les intéressés à la possession du Fonds.

Il ne s’agissait que d’une seule affaire, de la Mission de Santa Clara, c’était un procès particulier à propos d’une affaire déterminée.; mais il va de soi que cette décision devait avoir une portée considérable comme précedent, et c’est pourpuoi la question fut agitée dans son ensemble et que toute la question de droit fut discutée, mais elle n’affectait pas l’ensemble des missions.

M. Asser. Vous ne savez pas quel était le défendeur?

M. Delacroix. Non.

M. Beernaert. C’est un des points sur lesquels nous avons demandé des renseignements au Mexique: mais l’éloignement est tel et les délais qui nous sont impartis sont si courts que la réponse arrivera probablement quand vous aurez rendu votre sentence.

M. Delacroix. En ce qui concerne le demandeur je puis vous donner les reseignements que voici, qui se trouvent dans le livre rouge à la page 340, et cela réspond partiellement à la question de M. l’Arbitre:

Les terres occupées par ces missions ne furent pas transférées à qui que ce soit, mais demeurdrènt la propriété du gouvernement; et même les batiments d’Eglise erig£s sur ces terres ne devinrent pas la propriete” de la corporation de l’Eglise avant le décret de sécularisation de 1833.

La plainte expose que le demandeur est le prêtre catholique romain et pasteur dûment constitué de la Mission et église de Santa Clara et que, selon les règles et la discipline de l’Eglise Catholique Romaine, il à l’administration des biens temporels de ladite église et mission, comme le droit à la possession de sa propriété meuble et immeuble; que le défendeur s’est iliégalement emparé d’un certain lot de terre dans ledit comte, connu sous la désignation de Le Verger, appartenant à l’ancienne Mission de Santa Clara et aujourd’hui la propriété de ladite Eglise; et pour rentrer dans la possession dudit lot, le demandeur fait procès. La seule question dans l’ espèce est le droit de l’Eglise Catholique Romaine aux terres des Missions dans cet Etat.

Donc, en ce qui concerne le demandeur, il n’y à pas de doute, c’est le représentant de l’Eglise, le curé, le prêtre séculier qui dit: Voilà un [Page 696] bien appartenant aux Missions, je le revendique parce que j’ai qualité pour parler au nom de l’Eglise. Et alors celui qui détient le fonds répond: Non, vous n’êtes pas l’Eglise, vous n’avez pas de droits. Il est probable que le défendeur, Redman—c’est un renseignement que nous devrions avoir—avait été autorisé à posséder par le Gouvernement.

Un autre décret qui ne manque pas d’un certain intérêt est reproduit à la page 357: Le décret de Pio Pico du 28 octobre 1845 ordonnait ceci:

Art. 1. Seront vendues en cette capitale, au plus off rant, les Missions de San Rafael, Solores, Soledad, San Miguel et La Purisima, qui sont abandonnés par leurs néophytes. (Ce décret fut fait après due proclamation en conformité du décret du 28 mai 1845).

Done le Gouvernement va décider la vente des biens appartenant à certaines Missions.

C’est intéressant, parce que quand une mission venait à être abandonnée par ses néophytes il était tout naturel que l’Eglise revendique les biens si elle avait des droits. Elle ne dit rien, c’est le Gouvernement qui en dispose sans protestation.

Et Particle 14 du décret du 28 octobre 1845 dit:

La location des Missions de San Diego, San Luis Rey, San Gabriel, San Antonio, Santa Clara et San José, aura lieu quand les dimcultés qui existent actuellement en raison des dettes de ces établissements auront été surmontées et alors le public sera avisé.

Et, à la page 358:

Nous voyons done que chaque acte du Gouvernement depuis la période la plus reculée, sans excepter le décret de Micheltorena et l’ordonnance alléguée du Gouvernement de Bustamente, du 17 novembre 1840, indepéndamment de l’acquiescement constant du clergé, tendent à eonfirmer et à établir sans controverse possible, que les terres des Missions de toute nature, améliorées ou non, jardins, vergers et vignobles, sans excepter les bâtiments, étaient la propriété de la nation et sujettes à être administrées, vendues, louées, distribuées aux colons ou affectées à d’autres usages par le gouvernement en conformité des lois; de plus, que les Pères, ou le clergé séculier, ou l’Eglise, non seulement n’auraient pas et n’ont jamais prétendu avoir de droit de propriété à eux, mais qu’ils ne les ont jamais possédés; ou, pour exprimer cette conclusion plus clairement encore, dans les termes mêmes de Castanares et qui ne sont qu’une répétition de ceux de la savante Junta déja citée “Les Missions ou les ordres religieux dont elles dépendent, n’avaient rien de plus que leur administration en vertu d’une délégation du Gouvernement.”

J’ai ainsi terminé, messieurs, l’examen de cette procédure, je l’ai fait rapidement, mais la Cour analysera ces documents de près; nous y voyons une série de citations de la plus haute importance, l’émunération des décrets royaux depuis 1815 jusqu’à 1848 qui sont l’attestation la plus formelle du droit du Gouvernement comme aussi de la reconnaissance implicite de son droit résultant de l’absence de protestation aucune de a part du clergé.

La question ainsi portée devant le Tribunal américain a été résolue en faveur de la thèse que nous défendons ici et que défendait M. Horace Hawes. Voici la sentence de la Cour suprême de Californie:

L’avis de la Cour fut donné par le juge Heydenfeldt, le juge en chef Murray approuvant.

Le demandeur, qui est le pasteur de l’Eglise catholique de Santa Clara, poursuit pour la possession d’un lot de terre dit “le verger” qui appartenait à l’ex-mission de Santa Clara, alléguant que les terres des missions sont propriété de l’Eglise et que par les règles de celle-ci il est l’administrateur des biens temporels de cette église et missions en particular.

De longs débats se sont produits sur les questions du droit de l’Eglise d’acquérir la propriété sous les systèmes espagnol et mexicain, comme sur le droit du demandeur à triompher; mais l’opinion que j’ai formée rend cet examen superflu.

[Page 697]

Selon toutes les autorités espagnoles et mexicaines (lesquelles ont été bien compulées dans le plaidoyer du. défendeur) les missions étaient des établissements politiques, ne s’alliant en rien à l’Eglise.

Le fait que moines et pretres étaient à la tête de ces institutions ne prouve rien en faveur du droit de l’Eglise à la propriété absolue. Il n’est pas nécessaire de déterminer ici dans quelle manière ou par quel mode de transfert l’Eglise comme corporation ou personne civile pouvait légalement avoir titre. Il suffit qu’il ait fallu quelque mode de ce faire, de manière à pouvoir enlever le titre du gouvernement, ou à des particuliers pour le conférer à l’Eglise—et certainement l’existence de rien de semblable n’a été démontrée. Si l’on excipe de ce qu’un prêtre ou moine avait l’administration et le contrdle de la mission, la réponse est simplement qu’ils en étaient les gouverneurs civils; et bien qu’ils combinassent avec le pouvoir civil les fonctions de Péres spirituels, ceci n’était que pour assurer Fexecution plus efficace du but desdits etablissements, but qui était la conversion’ et la christianisation des Indiens. Et il appert pleinement de toutes les investigations faites dans l’organisation espagnole et mexicaine en ce qui concerne les missions, qui ni celles-ci ni leurs prêtres n’étaient incorpores dans l’Eglise, ou places d’une maniere quelconque sous le contrô1e et la direction de ses ecclésiastiques diocésains dont la suprematie était complète sur tous leurs subordonnes.

Ceci confirme ce que j’avais l’honneur de dire à une précédente audience, à savoir que les Jésuites comme Ordre n’avaient pas capacité pour posséder, que c’était contraire à leur institution; si done des biens leur ont été attribués ce n’était que pour l’œuvre qu’ils réalisajent, c’était pour le Gouvernement dont ils étaient les administrateurs ou les délégués.

Au contraire, les Missions prirent naissance directement de par l’action et l’autorité du Gouvernement du pays …

Notez, messieurs, que c’est une Cour américaine quie dit cela!

… lois et réglements leur furent appliqués par son autorité législative sans en référer à, ni consulter l’autorité de l’Eglise; les terres occupées par eux ne furent transférées à personne, ni prêtre, ni néophyte, mais demeurèrent la propriété de l’Etat; et il n’y a pas un mot dans tousies actes ou décrets du Gouvernement pour montrer que même les Mtiments d’Eglise consacres au culte divinuniquement devinrent jamais la propriété de la corporation de l’Eglise jusqu’au décret de sécularisation de 1833.

Il est avance par l’appelant que le décret fut suspendu par un décret subséquent et qu’il ne fut par consequent jamais appliqué aux Missions de Californie.

En ce cas, comme l’Eglise n’avait pas de droits dans la Mission avant le décret de 1833, elle demeure sans droit, attendu que ce fut seulement par ledit décret que des droits quelconques, s’il en est, lui furent donnés; d’autre part, si elle prétend prendre en vertu de ce décret, les limitations qu’il contient ne conféreraient pas à l’Eglise de droits sur la propriété objet du procès actuel.

Notre conclusion est que le demandeur n’a pas droit à la propriété en question et, par conséquent, le jugement de la juridiction inférieure est confirmé. (Copie du Tome VI de la compilation intituiée “Comptes-rendus des procès plaidés et jugés par devant la Cour Suprême de Californie, pages 325 et suivantes.)

Ce document est une des annexes du mémoire de M. Azpiroz.

J’ai tenu, messieurs, à vous faire cette analyse, non pas seulement à raison de son autorité, qui est incontestable, puisqu’il s’agit d’un procès plaidé et jugé devant la Cour suprême de Californie—mais encore à raison des autorités multiples qui y sont citées par l’avocat des défendeurs devant ce Tribunal et qui sont décisives. Il en résulte que le droit de l’Eglise que nous discutons ici a été débattu aux Etats-Unis, qu’il à été discuté pied à pied, que les autorités ont été produites et que la décision a été ce que sera assurément la vôtre.

J’ai maintenant à vous dire quelques mots d’une question subsidiaire, c’est-à-dire duchiffre de la demande, ou de la composition du Fonds Pie de Californie.

Messieurs, en ce qui concerne le ehiffre de la demande, le document le plus important que nous puissions discuter et consulter est assurément [Page 698] l’inventaire dressé par Don Ramirez, lequel était chargé de l’administration du Fonds au nom de l’évêque de Mexico, à la date du 28 avril 1842. Le texte de ce document important se trouve dans le volume rouge, en anglais, pages 512 à 523, et en espagnol pages 488 à 498.

Tout d’abord, messieurs, il faut que je vous dise quelles sont les circonstances dans lesquelles ce document à été dressé. Vous vous souvenez que par un décret du 19 septembre 1836 l’évêque Don Diego avait été chargé de l’administration du Fonds Pie et qu’il était allé s’installer en 1840 à Monterey, siège épiscopal. Comme les biens dont il s’agissait se trouvaient à Mexico il a chargé un homme respectable, Don Ramirez, de l’administration de ce Fonds à Mexico. Par un décret du 8 février 1842 le décret précédent a été rapporté et Don Ramirez à été chargé de rendre les biens au gouvernement; il en a fait une nomenclature, un inventaire detaille. C’est la base de la demande: les demandeurs n’ont pas autre chose pour vous indiquer ce que serait le Fonds Pie de Californie; je prends done ce document.

Nous y trouvons d’abord l’indication des biens fonds (page 512); ces biens fonds se divisent en biens urbains et en biens ruraux; c’étaient les maisons de la rue Vergara, qui avaient été donnees par Doña Joséfa Paula Argueiles. Ces maisons étaient louées pour 3,000 piastres, nous dit Don Ramirez; elles étaient en mauvais etat, et elles ont été vendues moyennant une rente annuelle de 3,500 piastres, payable par trimestres et par anticipation. Ainsi que je vous Pai déjà indiqué, les biens de la succession Arguelles appartenaient pour un quart à la famille Arguelles, par suite de l’annulation de la disposition faite au profit des collèges des Jésuites, et pour les 3/4 au Fonds Pie, moité pour les îies Philippines et moité pour les Missions de Californie.

Le revenu de ces maisons est done de 3,500 piastres; mais il faut en deduire, comme l’explique fort justement Don Ramirez, 1/4 pour la famille Arguelles, soit 875 piastres; il reste les trois autres quarts, soit 2,625 piastres, dont moitié pour les Missions de Californie et moitié pour les îles Philippines.

Don Ramirez nous apprend aussi (page 513) qu’un embargo avait été placé sur ces biens.

Le premier revenu est done de 2,625 piastres. Maintenant, il y à des biens ruraux dont l’énumeration se trouve à la page 513. Il y a l’Hacienda de Ciénega del Pastor; c’était une ferme importante qui était louee 17,100 piastres par an. Elle provenait aussi de la succession Arguelles, par conséquent il y en avait un quart pour les héritiers et la famille, soit 4,875 piastres, il restait donc un revenu annuel de 12,825 piastres. Il y avait aussi sur ce bien un embargo dont nous parlerons plus tard.

Le second fonds rural était l’Hacienda de San Pedro de Ibarra loué 2,000 piastres; puis les Haciendas de San Augustin de Amoles, El Custodio, San Ignacio del Buey et La Baya louées au total pour 12,025 dollars par an. Mais Don Ramirez nous apprend qu’il à pu resilier l’ancien bail et en faire un nouveau pour 12,705 piastres par an.

Il y avait encore des créances hypothécates; il y en avait une de 42,000 piastres à 5 pet. due par José Barrientos et garantie par le domaine de Santa Lugardo et ses dépendances.

Il y avait une autre créance hypothécate de 40,000 piastres à 6 pct. due par les banquiers Revillas, mais pour laquelle il y avait des arrières considérables: il y avait 26,800 piastres d’intérëts arrieres sur [Page 699] cette créance au capital de 40,000 piastres, ce qui représente un nombre d’années considérable. Don Ramirez nous apprend que des poursuites ont été intentées, mais que jusqu’alors elles n’ont donné aucun résultat.

Enfin, il y à 3,000 piastres à 5 pet. sur le domaine de San José Muiyo dont les intérêts ne sont plus payés depuis 1827—et nous sommes en 1842! Il y à 2,275 dollars d’arrière.

Cela, messieurs, étant énuméré, comme j’ai l’intention de vous indiquer d’une fagon précise quelle est la composition du Fonds Pie, je vous renvoie au résumé fait par Don Ramirez, qui ne se trouve pas traduit dans le texte anglais mais que vous trouverez dans le texte espagnol, page 493.

On rappelle les 2,625 piastres de la rue Vergara, les 12,825 piastres de l’Hacienda de Cienega del Pastor, les 2,000 piastres de San Petro de Ibarra, les 12,705 piastres des haciendas de San Augustin et autres, les 2,100 piastres produites par le capital hypothécate de 42,000 piastres, puis les 2,400 piastres produites par les 40,000 dues par la maison Re villas; cela fait au total 34.655 piastres.

Nous acceptons, messieurs, ce chiffre, sauf une réduction que vous trouverez assurément légitime: elle est relative aux 40,000 piastres dues par la maison Revillas; cette maison était dans des affaires tellement mauvaises que rien n’a jamais été payé, et l’on reconnaît que sur ce capital de 40,000 piastres il y avait des arrières d’intérêts pour 26,700 piastres; vous devrez admettre que c’était une créance d’un recouvrement difficile et qu’il serait peu admissible et peu équitable de mettre à la charge du Mexique la charge de cette mauvaise créance. D’ailleurs, Don Ramirez, dans l’énumeration qu’il fait, lorsqu’il en arrive à la discussion de cette créance, dit qu’elle est tellement mauvaise qu’il à constitué un avocat pour faire des poursuites, et tout ce qu’on peut espérer c’est de recevoir de temps en temps de petits acomptes.

Done, je déduis les 2,400 piastres qui ne sont pas payées, et j’en arrive à avoir un revenu du Fonds Pie de 32,255 piastres.

Conformément à la these des demandeurs, il faut capitaliser à 6 pet. ce revenu pour en avoir la valeur en capital. Cela fait exactement 537,583 dollars. Telle était la valeur du Fonds Pie au point de vue immobilier. Seulement, j’ajoute immédiatement qu’il faut déduire de ce capital la somme qui à été payée pour le fonds des îles Philippines, c’est-à-dire 145,000 dollars.

Messieurs, je viens de vous énumérer les immeubles qui composaient le Fonds de Californie, et je viens de vous en indiquer l’origine, notamment en ce qui concerne l’hacienda de Ciénega del Pastor et les maisons de la rue Vergara. Vous savez que les biens de la succession Arguelles appartenaient pour moitié au fonds des Philippines et pour moitié au fonds de Californie. Comme, à la suite d’un arrangement que les demandeurs approuvent—au point qu’ils y voientun précédent en leur faveur—il a été entendu que les biens qui revenaient aux îles Philippines resteraient la propriété du Roi d’Espagne ou des Missions d’Espagne, cette somme de 145,000 piastres doit incontestablement, et au minimum, être deduite du montant du fonds immobilier, c’est-à-dire des 537,583 piastres. Je dis que c’est un minimum parce que la succession Arguelles se composait d’autres elements, et que dans une convention du 24 octobre 1836 intervenue entre l’Espagne et le Mexique il a été entendu que tous les Mens qui provenaient de la succession [Page 700] Arguelles appartiendraient pour moitié à l’Espagne en vue des îies Philippines.

Le fonds immobilier se trouverait composé ainsi d’une somme de 392,583 piastres.

Voyons maintenant quelles sont les créances actives du Fonds, que Don Ramirez va énumérer dans la suite de son inventaire.

A la page 514 “Créances actives du Fonds, recouvrables, dues par le Trésor Public”, nous avons d’abord l’indication d’un capital de 20,000 piastres à 5 pour cent d’intérêt qui serait dû. par le Gouvernement espagnol. Celui-ci aurait emprunté cette somme au Fonds Pie et il n’en aurait plus payé les intérêts, d’après ce que dit Don Ramirez, depuis 1812. Don Ramirez va ajouter que depuis cette époque jusqu’à présent—c’est-à-dire jusqu’en 1842—aucune somme n’a été reçue ni en capital ni en intérêts; de telle sorte, dit-il, que les intérêts courus depuis 1812 jusqu’a 1842 représentent 29,166 dollars.

Mais, messieurs, il y à une réflexion qui ne vous aura pas échappé; est-ce que les évêchés des Etats-Unis qui sont nés en 1850 ou 1854 vont pouvoir réclamer pour eux les intérêts courus depuis 1812, alors qu’à cette époque il est incontestable que c’était le Gouvernement espagnol et ensuite le Gouvernement mexicain qui était maître du Fonds et disposait de ses produits? Est-ce que par hasard la pretention des demandeurs serait d’exiger un compte du Mexique et du Gouvernement espagnol sur la manière dont ils disposaient des produits du Fonds pendant ces époques où assurément ils n’avaient de comptes à rendre à personne, et surtout pas aux évêques de Californie?

Done, quand on demande des intérêts je ne comprends pas. Mais, voyons même quant au capital. Il s’agit d’une somme due par le gouvernement espagnol! Il est bien certain que le Mexique ne peut pas reclamer une somme au gouvernement espagnol pour la donner aux Etats-Unis ou aux évêqués de Californie.

Don Ramirez ne nous dit pas à quelle époque le gouvernement espagnol a pris ce capital de 20,000 piastres, mais ce qu’il nous dit, c’est que depuis 1812 il n’a plus plu à l’Espagne d’en payer les intérêts. Et je le comprends; pourquoi? Le Roi d’Espagne était alors le maître de ce Fonds, il en disposait comme il l’entendait; s’il à pris 20,000 piastres et à dit: je les affecte à l’entretien des troupes, ou à toute autre dépense, il ne pourrait pas aujourd’hui en devoir compte aux évêques de Californie. Et cependant non seulement il en devrait compte, mais il devrait les intérêts qu’il n’a pas payes! Imaginez-vous cette créance civile creee par PEspagne au profit des eveques de Californie nes en 1854? C’est vraiment insoutenable.

On nous répondra peut-être que lorsque le Mexique à pris la place de l’Espagne il à assumé les dettes et les obligations de l’Espagne. Mais il s’agirait d’établir que l’Espagne aurait entendu contracter et reconnaître une dette vis-à-vis du Fonds.

Je passe à la reclamation suivante: il s’agit d’un capital de 201,856 dollars que le gouvernement espagnol s’est approprie pour ses “necessités.” Don Ramirez veut bien nous dire (p. 514) que c’est pour des necessites urgentes. à partir de 1812 le Gouvernement espagnol n’a plus affecté les intérêts de ce prélèvement aux objets du Fonds Pie. Depuis 1812 jusqu’en 1842 les intérêts arrières s’éleveraient d’apres Ramirez à 294,434 dollars; il fait l’addition et il trouve que cela fait 496,291 dollars.

Je ne répète pas, messieurs, toutes les observations que j’ai présentées [Page 701] à propos du chifire, précélent et qui doivent s’appliquer ici. Si à une époque de son histoire l’Espagne se trouvant devant des nécessités urgentes—ce mot esttrès vague—au sujet desquelles elle n’avait pas à s’expliquer puisqu’elle était pouvoir souverain, à pris 200,000 piastres, est-ce que nous, Mexique, nous allons avoir à en rendre compte aux eveques de Californie?

Mais quels sont les titres de tous ces documents? Il est évident que c’est aux adversaires à nous indiquer quels sont les titres qui ont constitue la dette de l’Espagne.

J’arrive au troisieme paragraphe de ce document, page 515; il s’agit d’un capital de 162,618 piastres qui est reteonnu par le Tribunal du consulat de Mexico à 6 pet. Qu’est-ce que le Tribunal du consulat de Mexico? C’était le Tribunal de Commerce; ce serait done un Tribunal qui aurait reconnu cette dette de 162,168 dollars à 6 pet. Mais Don Ramirez nous apprend que le gouvernement aurait repris cette créance. On voudra bien nous dire de quoi cela résulte? Surtout que nous apprenons que depuis 1820 Pintérêt n’a pas été paye. Je suppose qu’en 1820 le roi d’Espagne pour une raison politique quelconque ait dit au Tribunal du consulat de Mexico: Je vous décharge de votre dette, ou je vous dispense des intérêts; est-ce que par hasard le Mexique devra rendre compte aux évêques de Californie de cet acte du pouvoir souverain d’Espagne?

Depuis 1820 les intérêsts s’élèveraient à 206,525 piastres; on les ajoute au capital et on arrive ainsi à la somme de 369,143 piastres.

Messieurs, si, contrairement à tout ce que nous avons plaide, le Tribunal arbitral devait dire que le Mexique est condamné à une restitution, à un paiement en capital et intérêts ou en intérêts seulement du Fonds Pie, il est incontestable que vous ne vous contenteriez pas d’affirmations aussi légères que celles-ci, émanant d’un mandataire d’évêque dont les demandeurs actuels se prétendent les successeurs.

Mais, messieurs, il y a plus. Ici, nous allons voir la confirmation de tout ce que je viens de dire. Il s’agit d’une somme de 38,500 piastres due originairement par le collège de San Gregorio à 3 pet., et Don Ramirez nous apprend que cette somme est due depuis avant l’expulsion des Jésuites, done depuis avant 1767. Il ajoute que le Gouvernement à repris cette somme à sa charge, d’après ce que lui à dit le Senor Don Antonio Icarra. Don Antonio Icarra à done en conversation dit à Don Ramirez: le Gouvernement à repris cette dette du college de San Gregorio . . . . et ce propos hypothétique suffirait pour que le Gouvernement mexicain soit condamné? . . . . et cela alors qu’il s’agit d’une créance ancienne, antérieure à l’expulsion des Jésuites, dont les intérêts n’ont plus été payés pepuis longtempts. Car, messieurs, c’est là ce qui est caractéristique: si ces fonds avaient cette vitalité que l’on semble indiquer de l’autre côté de la barre, si ces créances étaient réelles—et notez qu’il n’y à pas le moindre titre produit à l’appui de chacune de ces demandes ou de ces créances—si tout cela avait un fond sérieux, il est bien evident que les intérêts auraient été payés.

Depuis 1811 il n’a plus rien été payé, mais cela n’empêchera pas Ramirez d’en faire le calcul et de dire: cela représente 34,000 piastres. Il ajoute cette somme au capital, ce qui fait que l’on réclamera au Gouvernement un total de 73,342 piastres.

Puis, messieurs, il y à une somme de 68,160 piastres qui a été déposée en 1825 à la Monnaie par Don José Ildefonso Gonzalez del Castillo. [Page 702] Sous le Gouvernement espagnol, toujours, une somme de 68,160 piastres qui provenait d’une dette des Senores Re villas aurait été déposée à la Monnaie; et on nous dit: cette somme est due.

Ici, messieurs, la question est plus délicate. J’avoue n’avoir pas très bien pu saisir le sens de cet alinéa, car il est dit que le Senor Estera aurait disposée de ces fonds. C’est un point sur lequel nous avons demandé quelques éclaircissements que peut-être nous pourrons vous donner plus tard; en tout cas, ce que nous apprend Don Ramirez c’est que cette somme aurait été deposeé a la Monnaie sous le Gouvernement espagnol. C’est un depot dont M. Estrada à disposé; c’est très vague. Cette somme en tous cas ne produisait pas d’intérêts. Elle devrait en produire maintenant? Ce sont lades éléments à propos desquels encore une fois un titre serait nécessaire.

En ce qui concerne le numéro suivant, il s’agit d’une somme de 7,000 dollars qui aurait été payée par les señores Revillas le 20 octobre 1829. On leur demandait le paiement d’une somme de 20,000 dollars, ils n’en avaient que 7,000, et ils les ont payés par une lettre de change sur la Compagnie germano-mexicaine qui n’a pas fait honneur à la traite! Dans ces conditions cette somme de 7,000 dollars ne peut évidemment pas être due puis-qu’elle n’a pas été repue par le Fonds.

Enfin il y à une somme de 3,000 piastres empruntée avec promesse de remboursement, nous dit Don Ramirez, pour couvrir les dépenses mentionnées dans le 5e article du décret du 19 septembre.

Voici ce que c’était. Lorsque le Gourvernement mexicain a décidé l’erection d’un eveche en Californie il à decide de lui donner un traitement annuel de 6,000 dollars, et une somme de 3,000 piastres pour ses frais de voyage. Mais il se fait que le Gouvernement à pris cette dernière somme dans le Fonds Pie.

Mais, messieurs, s’il s’agissait d’un bien d’Eglise, il semble que c’était une dépense qui pouvait rentrer dans les obligations du Fonds; le transport de l’evêque était une dépense justifiée, on dit: c’est le Gouvernement qui doit payer. Par une de ces déductions un peu larges dont M. Ramirez est coutumier, il arrive à dire qu’il y à promesse de remboursement, parce que dans un décret on à décidé que l’évêque recevrait 3,000 dollars pour ses frais de déménagement.

Enfin, messieurs “une somme de 15,973 dollars, sous forme de certificat payable sur les ressources existant dans le Fonds, à 10 pet., faisait partie d’un emprunt de 60,000 dollars que le Gouvernement négocia avec hypothèque sur les biens du Fonds de Californie.”

Si je comprends bien ce que je viens de lire le Gouvernement mexicain à emprunté 60,000 dollars et aurait donné—c’est toujours M. Ramirez qui parle—en hypothèque les biens du Fonds à concurrence de 15,973 dollars; et on dit aujourd’hui: le Gouvernement doit rembourser cette somme. Mais une hypothèque est une garantie; est-ce que le gage à été réalise?

Il y a, de la part de M. Ramirez, une propension, une tendance à exagérer toujours les sommes qui composent le Fonds Pie; quand Il s’agit d’un capital de 20,000 piastres il le fait monter à 49,000 en y ajoutant les intérêts; à un autre de 200 mille piastres il ajoute 296,000 piastres d’intérêts. C’est une tendance f acheuse qui justifie pleinement ce que nous disons d’ailleurs à tout demandeur: vous formulez une réclamation, produisez vos justifications!

Les demandeurs ont montré que pour eux rien n’était secret, meme [Page 703] les archives mexicaines dont ils font état; ils ont tout vu; qu’ils veuillent done bien nous renseigner!

Il s’agit ici d’une créance civile et on se fonde sur des actes du pouvoir souverain. Le Roi d’Espagne n’a pas dit seulement dans les décrets que j’ai analysés de 1767 et de 1768 qu’il s’appropriait les fonds des Jésuites et qu’il en disposerait suivant ses vues mais notamment encore dans un décret de 1772 qui se trouve reproduit à la page 456 il affirme à nouveau ses droits absolus. Voici en effet ce que je lis au deuxième paragraphe (p. 456):

Afin d’écarter ces difficultiés et d’éviter le danger que pourraient créer le doute et l’ignorance, et en vue aussi de l’opinion donnee par mon procureur José Monno, et de la déclaration contenue dans mes lettres patentes du 14 aout 1768, par lesquelles ma couronne et ma personne subrogeait tous ses droits, et à la prière de mon Conseil de donner des ordres correspondant aux vice-rois et gouverneurs de mes domaines des Indes, des Philippines et des îles adjacentes, déclarant que j’avals subrogé dans ma personne royale tous les droits qui appartenaient aux reguliers, de même que ceux qu’ils pouvaient encore posseder en conamun avec d’autres Ordres, sans prejudice de ceux qui sont consacres au mtae but qu’ils l’étaient avant l’époque de l’expulsion, et qui tous deux doivent être executes par mes vice-rois et gouverneurs en mon nom comme par le personnel de ma couronne royale, en tenant compte de chaque transaction dans les livres et archives des departments ou les inscriptions doivent être faites. J’ai done consent! à ce faire, à la charge à mon Conseil des Indes de mettre ceci à execution. Je vous ordonne à chacun de vous d’accomplir respectivement le rô1e qui vous appartient et de faire que mon ordre royal recoive son accomplissement.

J’ai tenu, messieurs, à vous rappeler dans quels termes s’exprimait le Roi d’Espagne; il disait: les biens de ces corporations, je me les suis appropries. Et dans ce texte de 1672 il ne fait pas même une reserve pour les titres des donateurs primitifs; c’est lui qui en dispose. Et, je vous le demande, si dans les moments difficiles que traversait l’histoire de I’Espagne il en à disposé, quel reproche peut-on lui en faire, et peut on aujourd’hui surtout en faire reproche au Mexique qui, lui, n’a pas hérite de ces Fonds, qui dans tous les cas ne les à pas perpus?

Je passe maintenant aux créances sur particuliers (p. 515). Nous trouvons d’abord une somme de 42,000 piastres qui était garantie par hypothéque et qui se trouve déjà mentionnee dans le calcul que j’ai indique en parlant des biens immeubles; c’est done une premiere somme qui doit être ecartee, elle est comprise déjà dans les chiffres antérieurs.

Il y à ensuite une somme de 13,000 piastres. Don Ramirez, qui à fouille les livres, à trouve qu’un ancien administrateur de la ferme Cienega, Don Juan de Dios Navarro “semble” avoir laisse dans son administration nn déficit de 13,000 dollars; après plusieurs réclamations, un solicitor a été appointé pour recouvrer cette somme, mais jusqu’ici sans succès. Cependant on va porter cette somme au débit du Mexique! Don Ramirez n’ose pas affirmer qu’il y à eu un déficit, il dit que cela semble résulter de ses investigations, sur le caractère desquelles il ne nous renseigne d’ailleurs pas. Voilà done cette somme qui lui semble être due par un ancien administrateur d’une ferme et qui figure comme étant due actuellement par le Mexique. Mais après tout, s’il y à eu un administrateur infidèle—cela arrive à tous les propriétaires—est-ce que c’est le Mexique qui va devoir supporter les consequences de la faute de cet administrateur, surtout que cette somme a été prise probablement sur les revenus de la ferme?

Vient ensuite une somme de 33,782 piastres reconnue par Don Estevan Velez Escalante, syndic du collège de San Fernando. Don Ramirez [Page 704] nous apprend que diverses démarches ont été faites en vue d’obtenir un remboursement partiel ou le paiement des intérêts, mais qu’elles n’ont rien produit. On à commence une instance devant la Justice de Paix de Don Agustin, mais tout cela n’a rien produit. Voilà done une mauvaise créance. Nous ne sommes pas renseignSs parce que nous n’avons pas de titres; Don Ramirez nous dit qu’il y à une créance de 33,782 piastres, mais il ajoute qu’elle est mauvaise, qu’on à été devant le Juge de Paix, et que cela n’a abouti qu’à des frais. Et nous devrions non seulement payer oes frais, mais rembourser le capital! Est-ce possible? Est-ce admissible?

Il y à lors de petites sommes que j’indique parce qu’elles fixent le caractère de la demande: 325 piastres dues par les filles du général Cosio. Don Ramirez ajoute qu’elles sont parfaitement insolvables; vous devriez néanmoins comprendre cette comme dans le remboursement auquel nous devrions être condamne. Puis une somme de 416 piastres sur laquelle 100 piastres ont été payées, de façon qu’il reste 316 piastres dues par Don Manuel Prieto, qu’on n’a jamais pu retrouver. Ensuite, 193 dollars due pour location d’un verger; ici c’est plus fort: le débiteur nie sa dette et il est impossible d’en démontrer l’existence!

Enfin, il y à une somme de 13,997 piastres dupar Don Ramon Vertis pour rupture du bail de l’hacienda de Amoles. Don Ramirez n’a rien obtenu, cependant il y à des garants qui se sont engagés à payer, mais cela ne produit rien.

Voilà ce que nous apprend Ramirez en ce qui concerne les créances sur particuliers. Tous voyez que ce Fonds Pie qu’on vous avait représenté d’abord comme considérable a valu au Mexique beaucoup de deboires et de màcomptes.

Mais ce n’est pas tout, messieurs, ce qu’il reste à voir ce sont les dettes du Fonds. Ici M. Ramirez, à la page 516, sous le titre de “Liabilities”, indique ce qu’il y à it déduire de l’actif que nous avons indiqué tout à l’heure.

Il y à d’abord, au premier paragraphe, une somme de 5780 dollars qui est due à Don Eduardo Virmond. Voici ce qui s’était passé, Don Ramirez nous l’explique: à certains moments les Péres avaient besoin de fonds pour les Missions, et ils avaient eu l’autorisation du Comite qui s’occupait de l’administration du Fonds Pie de créer certaines traites. Il y à une traite qui à été tirée ainsi à concurrence de 5,780 piastres et qui est due; Don Ramirez nous indique que c’est une dette du Fonds, il n’y aurait pas à la contester.

Puis, dans le paragraphe suivant il y aurait d’autres traites du même genre dues à Don José Antonion Aguirre, s’elevant au total à 24,600 piastres, qu’il faut egalement deduire. Enfin il y à une somme de 2,000 piastres qui serait du à Don Ignacio Cortina Chavez: c’est une autre traite endossée par Don Virmond ainsi que nous l’indique Don Ramirez et qui à été créée en 1840.

Toutes les traites que je viens de vous indiquer ont été eréées en 1840, c’est-à-dire lorsque l’évêque de Californie, dont les demandeurs se disent les successeurs, à été provisoirement chargé de l’administration et de la disposition du Fonds Pieux; il à créé des dettes, ou il à autorise de la création par les Pères de ces quelques traites, et par consequent elies sont dues. Tout cela répresente une somme d’une bonne trentaine de mille piastres, il y aura à les déduire lorsque nous f erons le compte final.

[Page 705]

Mais alors, messieurs, vient un élément qui à dans ce procès une importance capitale et qui est décisif quant à l’importance du Fonds: il s’agit de l’affaire de la Marquise de la Torres de Rada.

Je m’excuse d’un sourire, messieurs, parce que j’ai à vous rendre compte d’un procès fantastique, d’un procès qui est digne d’alimenter les romans de Gaboriau ou de Paul de Kock, la succession de la Marquise de la Torres del Rada à donné lieu en Espagne et au Mexique à un procès qui à dure plus d’un siecle. Je vais vous le résumer rapidement; ce qui est interessant pour vous c’est le judgement final qui ordonne, à charge du Fonds, la restitution d’une somme considérable. Ainsi, messieurs, apres vous avoir demontre que le Fonds n’appartient certes pas aux demandeurs, je vous aurai démontré—ce qui aurait peut-être pu paraitre une gageure—qu’il n’y à pas de Fonds du tout!

Voici ce qu’était ce procès: Il est relatif à la donation qui à été faite par la Marquise de Villapuente en 1735.

La Marquise de Villapuente à été mariee trois f ois. Elle était née Doña Gertrudis de la Pêna; elle s’était mariée d’abord à Don Martin Amor Ortanez, elle avait eu de ce premier mariage deux enfants. Son mari meurt le 12 mai 1694, elle reste done veuve avec deux enfants. On procede à la liquidation de la succession de son mari et il est reconnu qu’elle à des reprises à executer pour 33,347 piastres, somme relativement modique, que la jeune femme avait apportée et qu’elle reprenait lors du deces de son mari. Outre cela, elle avait la tutelle de ses enfants et à ce titre elle recevait certaines sommes dont le chiffre n’est pas indiqué et que je réserve pour le moment.

En 1700, Dona Gertrudis, douairière de Don Martin Amor Ortanez, s’est remariée; elle à épouse le Marquis de la Torres del Rada. Les documents du procès nous apprennent que c’est son cousin, le Marquis de Villapuente, qui est alle à Vera Cruz, où se trouvait le Marquis de la Torres del Rada, negocier ce mariage … nouis allons voir que le Marquis de Villapuente avait de grandes attentions pour sa cousine, qu’elle Stait l’objet de toutes ses sollicitudes. Le Marquis de Villapuente fait done le voyage de Vera Cruz et negocie un brillant mariage pour la douairière, sa cousine; puis il négocie aussi quelques questions relatives à la situation financière. Le Marquis de la Torres del Rada reconnait en dot à sa fiancée 139,831 piastres. Nous savons qu’elle n’avait eu en réalité que 33,347 piastres.

Le Marquis de la Torres del Rada meurt subitement le 21 avril 1713. 11 parait que lorsque le Marquis de la Torres del Rada est mort, le Marquis de Villapuente, le cousin—l’indispensable cousin—était dans la pièce voisine, et qu’immédiatement il à fouillé les documents, les papiers, le secrétaire.

On à très promptement procédé à la liquidation de la succession du Marquis de la Torres del Rada, le cousin intervenant toujours en faveur de la veuve. Il n’y avait pas d’enfants de ce second mariage, il n’y avait pas non plus de testament, de telle façon que la succession devait revenir à des collatéraux, ou plutôt à un neveu qui se trouvait en Espagne, Don José Lorenz del Rada. à la diligence du Marquis de Villapuente, le mandataire naturel de la Marquise de la Torres del Rada, un inventaire de la succession fut dressé. On constata que la fortune du Marquis de la Torres del Rada, qui était d’apres la renommée considérable, était beaucoup moins importante qu’on ne l’avait cru; on s’aperçut d’autre part que les dettes de la succession étaient [Page 706] bien supérieures à ce que l’on aurait pu deviner. De sorte, messieurs, que la situation qui résultait de cet inventaire était qu’au lieu d’un actif net il y avait un déficit, c’est-à-dire que la Marquise de la Torres del Rada, qui avait à recouvrer le montant de ses reprises s’élevant à 139,000 piastres reconnues par son contrat de mariage, qui avait à reprendre aussi les biens dont elle avait la tutelle et dont la jouissance avait passé naturellement à son second mari, ne pouvait pas rentrer dans l’intégralité des sommes qui lui étaient dues. Le montant total de la fortune s’élevait à 284,880 piastres; il y avait à en déduire les frais de funérailles, les dettes de tout genre, les messes dites pour 9,869 dollars, de façon qu’il restait liquide une somme de 204,390 piastres. Et il était établi que la veuve, du chef de ses 139,000 dollars de reprises et de ses créances diverses provenant notamment des biens dont elle avait la tutelle, avait une créance totale de 252,000 piastres; il y avait done un passif non couvert de 47,600 piastres.

Que se passa-t-il? La Marquise de la Torres del Rada exigea qu’on fit avec le plus grand soin constater que l’inventaire avait été dressé minutieusement et sans fraude, et qu’on réservât tous ses droits pour le cas où l’on découvrirait d’autres biens non inventoriés, elle accepta de reprendre tout Pactif et tout le passif. Ainsi fut réglée, à la diligence du Marquis de Villapuente, la liquidation de la succession du Marquis de la Torres del Rada; la veuve disait: je me chargerai des dettes, je ne suis pas couverte de mes reprises, il reste un deficit, mais je me réserve de faire valoir mes droits le cas échéant.

A quelque temps de là s’est produit un événement qui était peutetre attendu: le Marquis de la Villapuente à épousé la veuve: c’est le troisième mariage.

Seulement, un procès fut entamé alors par le neveu, l’heritier du sang, Don José de la Torres del Rada; il prétendit que son oncle avait une fortune considérable: il était gouverneur, chancelier, il avait des charges de tout genre; il paraissait inadmissible que sa succession soldât par un déficit!

Le procès avait pour objet la discussion de l’inventaire. On lui répondit que la fortune du Marquis de la Torres del Rada avait été perdue dans l’expedition de l’Invincible Armada dans la baie de Vigo, que ses biens avaient été engloutis par la tempête. Il répliqua que les biens avaient été bel et bien vendus en Espagne.

On interrogea la Marquise pour lui demander si son mari avait des livres, elle répondit que non. Des témoins dirent qu’il en avait et le procès continua.

En 1735, le Marquis et la Marquise de Villapuente firent l’acte de donation que vous connaissez au profit des Jésuites. Ces donations considérables auraient bien pu avoir leur origine dans la fortune du Marquis de la Torres del Rada, mais c’est là la question que le procès va élucider.

Tout cela, messieurs, n’a qu’un intérêt historique, et je ne me serais pas permis d’y insister s’il ne m’avait pas paru qu’il était nécessaire pour le Tribunal de connaître la portee des decisions judiciaires qui vont intervenir et qui celles-là l’interesseront au premier chef.

Dans le livre que vous possédez vous verrez l’intitulé suivant—je lis textuellement:—

Mémorial formé à la demande de Don José de Eada et en vertu de l’ordonnance du Conseil suprême, avec citation du procureur et celle de Don José déjà cité de son instance, des actes suivis par lui et ses autres cohéritiers comme héritiers ab intestate [Page 707] du Marquis de la Torres del Rada, son oncle, d’abord devant les juges des biens de morts de la ville de Mexico et ensuite dans cette audience. …

M. Asser. Où est-ce?

M. Delacroix. C’est dans un livre dont l’original seul à été trouvé et joint à la réponse déposée par le Mexique; c’est un livre du 18e siecle retrouvé par hasard.

Sir Edward Fry. Nous pourrons en avoir des copies?

M. Delacroix. Parfaitement. Nous ne donnerons pas la copie de la traduction de tout le livre, parce que cela n’a pas d’intérêt; c’est un point d’histoire seulement que j’ai exposé. Ce qui à de l’intérêt, ce sont les décisions, car nous allons voir ce que le Tribunal va decider …

M. Ralston. Vous avez la traduction?

M. Beernaert. La traduction ne porte pas sur tout le livre.

M. Delacroix. Je vais y arriver.

Sur l’exhibition des lettres et papiers du Marquis de la Torres del Rada, nullité des inventaires, appréciation faite après sa mort . . . .

. . . . la tutelle de ses enfants mineurs.

J’ai fait traduire l’intitulé de chacun des ehapitres du livre, parce que dans ce livre, comme certains romans, on fait dans l’intitulé du chapitre l’analyse du texte:

Chapitre Ier. Où l’on voit apparaître les mensonges, vices, défauts et nullités commis dans l’exécution des inventaires et évaluations des biens qui restèrent à la mort du Marquis de la Torres del Rada, et dans le jugement qui les à remis à Dona Gertrudis de la Pena, sa femme.

Chapitre 2. Où l’on découvre que la fortune du Marquis de la Torres del Rada était beaucoup plus considérable que les inventaires no le Constatent.

Chapitre 3. Où l’on prouve que le montant du passif du Marquis del Rada était beaucoup moindre que les inventaires ne l’établissent.

Chapitre 4. Que si même la fortune du marquis n’avait pas été plus considérable que les inventaires le reeonnaissent, elle aurait suffi sans toucher aux charges et titres au paiement intégral de la dot de Dona Gertrudis de la Pena et à la tutelle des enfants du premier mariage qui était beaucoup moindre qu’il n’apparaît des instruments produits par elle.

On va dans ce chapitre Stablir que même en supposant que l’actif n’eut pas été superieur à ce qui été indiqué, comme le passif était moindre que l’a indiqué la dame douairière, il en résulterait qu’il n’y avait pas de déficit; et on va indiquer la conséquence:

Chapitre 5. Que même en supposant que la fortune n’ait pas suffi au paiement de la dot et de la tutelle, l’adjudication ne devait pas comprendre le titre et la dignité de Marquis, ni les charges de chancelier et contrôleur.

Ceci demande une explication. Le Marquis de la Torres del Rada, en dehors de sa fortune considérable, avait une charge de chancellerie qui rapportait 5,000 piastres par an; c’était une charge qui était l’accessoire de son marquisat et qui avait cette consequence que même ses héritiers et successeurs pouvaient perpetuellement toucher ces 5,000 piastres par an, Et alors on dit: En supposant que la fortune ne fut pas plus considérable, dans tous les cas ce n’était pas la veuve quiaurait eu le droit de s’approprier les 5,000 piastres par an affectées à la continuation de la charge, cela apportehait aux héritiers, à l’héritier naturel Don José del Rada.

C’est alors qu’intervient le document relaté par M. Ralston et qui se trouve dans la réplique à la page 40.

J’en ai ici la traduction sous les yeux, mais puisque vous avez ce document entre les mains il sera peut-être préférable que j’en fasse une analyse, sauf à vous lire ensuite les termes de la sentence définitive. [Page 708] Une sentence est intervenue en 1749, aux termes de laquelle il ne fut statué que sur une partie du litige. Ce litige était considérable, je viens de vous en indiquer le caractère quelque pen romanesque; il s’agissait d’aller chercher à de grandes distances des témoins que devaient venir établir en quelque sorte par commune renommée quelle était la consistance de la fortune du Marquis de la Torres del Rada; il s’agissait d’etablir que le Marquis de Villapuente était entre dans la chambre du def unt immediatement avant que les scelles fussent apposes ou que des mesures pussent être prises, qu’il avait pu faire disparaître les livres et documents pouvant etablir la consistance de la fortune; il s’agissait en un mot d’un procès compliqué à tous égards

Une sentence était intervenue en 1749 de laquelle il résultait qu’en tout cas la charge de chancelier, c’est-à-dire ce produit annuel de 5,000 piastres que s’était attribue la marquise douairière, ne lui revenait pas et devait appartenir à 1 heritier du sang, à Don José. C’est ce qui fut j décidé dans un jugement dont je vous lis la partie appelée décret:

Nous devons révoquer et rejeter les actes. … ordorinons et signons.

Cette sentence fut prononcée par la Cour suprême des Indes à Madrid le 16 avril 1749. Elle avait pour conséquence que pour une période de 37 ans la marquise ou ses ayants droit devaient rendre 5,000 piastres par an, soit 185,000 piastres. C’est ce qui se trouve dans le document que j’analysais tout à l’heure.

Après cette digression, messieurs, j’en arrive à l’etablissement du passif du Fonds Pie, des restitutions importantes dues par lui et qui vont consister dans les sommes que je vais vous indiquer.

Ces sommes, Don Ramirez nous les indique à la page 517. Il y a d’abord la somme de 185,000 dollars due en comformité de ce que je j viens de dire. Mais Don Ramirez nous apprend qu’il y à un autre jugement beaucoup plus récent, un jugement définitif du 31 Janvier I 1829, et il dit:

Il est dû a seigneur Pon José Juaregui …

Voici done que Don Ramirez nous apprend qu’un jugement du 31 Janvier 1829 à condamné le defendeur du Fonds Pie à payer une premiere somme de 155,875 piastres, plus les intérêts, ce qui fait au total 443,875 piastres.

Je récapitule, messieurs, les sommes que j’ai indiquées, 7,580 piastres, 24,600 piastres, 2,000 piastres, 443,875 piastres, et j’arrive à un total de 475,255 piastres. Or, nous avons etabli que la consistance raisonnable du Fonds Pieux, capitalisé comme les demandeurs le soutiennent à 6 pet., ne f aisait que 392,583 piastres. De telle sorte que nous arriverions à ce résultat que le Fonds Pie, au lieu d’exister en actif, consisterait en un passif répresentant la différence entre les 475,255 piastres indiquées par Don Ramirez et l’actif de 392,583 piastres, soit un deficit; de plus de 82,000 piastres, que pourraient à la rigueur combler les 68,000 dollars douteux ou incertains que nous avons indiqués comme ayant été deposes à la monnaie de Mexico.

M. Ramirez ajoute qu’il est très embarrasse, et je le comprends.

Il va consulter. Il écrit pompeusement la lettre que vous trouverez dans le livre rouge à la page 518 et consulte un avocat sur le moyen de payer 475,000 dollars avec un capital indetermine que j’ai chiffré par 392,000 dollars. … Probleme difficile!

Mais, messieurs, les conseils auxquels s’adresse Ramirez sont plus [Page 709] embarrassés encore que lui; ils lui répondent que ne connaissant pas le dossier ils sont impuissants à lui donner la solution qu’il recherche.

Don Ramirez avait songé alors à une transaction et à payer les 475,000 piastres par une somme de 210,000 piastres à titre de forfait définitif; c’était su r l’opportunité de cette transaction qu’il avait demandé l’opinion d’honorables jurisconsultes de l’epoque, au nombre de trois. Et ces trois messieurs lui repondent qu’ils ne sont pas suffisamment documents pour lui donner un avis; je ne sais ce qu’ils attendaient: peutetre la découverte du livre que le Tribunal possede actuellement.

Quoi qu’il en soit, messieurs, nous avons maintenant la consistance active et passive du Fonds Pie d’apres les documents que vous connaissez, et dès lors je me demande comment, en toute hypothèse, il serait encore possible de condamner le Mexique au paiement d’une somme quelconque.

Nous ne pouvons pas, sans doute, justifier d’un réglement définitif qui serait intervenu avec les héritiers de la Marquise de la Torres del Rada; nous voyons par le document de Don Ramirez qu’il y avait un embargo, une saisie qui avait été faite par Don José Juaregui au nom des héritiers d’Espagne; on avait d’abord saisi les maisons de la rue Vergara, puis on à consenti à lever cet embargo et on à saisi l’hacienda de Cienega del Pastor. Nous apprenons par Don Ramirez—c’est interessant—qu’on réclame l’annuité due pour la charge de chancellerie pendant 37 ans avec les intérêts jusqu’si la date de l’embargo. Cela suppose que cet embargo à donné un resultat sur le chiffre duquel je ne puis pas renseigner la Cour.

Quoi qu’il en soit, que le Gouvernement du Mexique ait payé ou non, qu’il soit débiteur ou non, il y à une chose certaine, c’est que, lorsque vous serez appelés à déterminer quel est le montant du Fonds Pie, il est impossible que vous fassiez abstraction des décisions judiciaires qui sont produites dans les documents de la cause et desquelles il resulte que le montant du passif du Fonds Pie est de 475,000 dollars. Il est impossible d’etablir le montant de ces sommes dont nous aurions profité sans deduire de l’actif le montant du passif: c’est absolument élémentaire.

Done, tout en réclamant l’indulgence de la Cour pour la sobriété des renseignements que j’ai pu lui donner, je la crois suffisamment édifiée maintenant sur la consistance du Fonds Pie pour que, sachant que ce sont les demandeurs qui doivent en etablir la consistance et justifier de leur titre, elle dise que ce Fonds ne lui apparait pas avec une consistance suffisante pour qu’une condamnation puisse être prononcee à la charge du Mexique dans ces conditions.

Mais il y à assurément, à propos de ces chiffres, une considération qui vous aura frappés: c’est qu’en réalité le seul titre qui soit produit, qui soit invoqué pour appuyer la demande, c’est le titre de donation du Marquis de Villapuente; en dehors de lui, les demandeurs ne possédent aucun titre, aucun document qui vienne appuyer leur réclamation. Cette donation du Marquis de Villapuente est précisément celle qui se trouve aujourd’hui fondue comme boule de neige.

J’aboutjs à la fin des considérations que j’ai à vous présenter? On nous dit: Il faut partager le Fonds Pie entre la Haute et la Basse Californie et il appartient à la Cour de dire dans quelle proportion doit se faire le partage.

Je dis tout de suite: pourquoi une proportion? Les donateurs ont [Page 710] eu en vue les Missions des Jésuites de Californie; j’ai indiqué à la Cour où étaient les missions des Jésuites; elles n’ont existé que dans la Basse Californie; alors ou la Haute Californie trouve-t-elle un titre? Elle demande un partage, mais pour partager il faut consulter le titre. On ce titre ne confère de droits qu’aux Missions de Jésuites établies dans la Basse Californie.

Le titre prévoyait une éventualité, c’était l’etablissement par les Jésuites de Missions dans d’autres contreés, mais comme les Jésuites n’ont jamais établi de Missions que dans la Basse Californie, que par conséquent cette éventualité ne s’est past réalisée, il est certain que c’est la Basse Californie seulement qui roeut avoir un droit.

Une autre consideration me vient à l’esprit: les demandeurs se fondent sur un titre dans lequel je lis ceci: Dieu seul pourra demander compte de l’emploi des fonds. C’est au profit des Jésuites que la donation est faite. Alors, si Dieu seul peut demander compte, pourquoi vous arrogez-vous le droit?

Enfin, messieurs, la partie adverse nous dit: Pour la proportion, il faut se baser sur la population. Messeurs, je ne pense pas qu’on puisse trouver dans les éléments de la cause une indication qui puisse appuyer ce soutenement. Dans la Haute Californie il y à une population aisee, très riche, une population de fideles catholiques et de protestants; est-ce que ce serait en vue de cette population de fideles de l’Eglise catholique que les donateurs auraient entendu disposer? Mais non! c’était au contraire au profit d’une population de sauvages, d’Indiens, de gens de couleur. Il y a, n’est-ce pas, dans tous les pays d’Amerique des Indiens; c’est une population que personne ne confondra avec une autre. C’etaient eux qui étaient l’objet de la sollicitude des Jésuites. Comment dans ces conditions la population tout entiere pourrait-elle servir de criterium pour déterminer la proportion de ce qui peut être du à la Haute ou à la Basse Californie?

Il s’agit aujourd’hui d’interdire au gouvernement mexician d’employer toutle produit de ce Fonds, d’ailleurs hypothetique, à la Basse Californie; cette base juridique—j’en reviens toujours là—nous ne pouvons la trouver dans aucun document.

Le seul document intéressant est celui relatif au partage de la premiere somme attribute aux eveques de Californie. Vous y voyons que si certaines sommes ont été attributées aux “Missions de l’Ortgon,” aux “Missions de l’Utah,” en ce qui concerne la Californie la somme est donnee à l’Eglise pour être employee par les eveques “aussi sagement et aussi utilement que possible.”

Loin de moi assurement la pensée de con tester que les honorables eveques de Californie n’aient pas employé les fonds dans l’intérêt de leurs eglises aussi sagement et aussi utilement que possible; mais la n’est pas la question: il s’agirait de savoir ce qu’ils ont fait de ces fonds pour les Indiens.

Il y à un autre point qu’il faut examiner, c’est celui-ci: Est-ce qu’il faut payer en or comme le réclament les demandeurs? En or? Qu’est-ce qui justifie ce paiement? L’étalon, vous le savez, au Mexique est l’étalon d’argent, tout le monde peut se libérer en argent; c’est la monnaie libératoire. La monnaie d’or, c’est une monnaie que l’on peut acheter à des prix variables, au prix du change, qui ne sera plus le prix de la relation d’autrefois de 15½ à 1, mais vraisemblablement de 32, 34, 35. Comment voudrait-on aujourd’hui condamner le Mexique à faire l’achat de cette monnaie d’or qui n’est pas sa monnaie libératoire pour payer une dette qui serait constatée à sa charge?

[Page 711]

Il y a dans la loi gouvernementale du Mexique les articles 635 en 636 que je me permets de vous lire:

  • Art. 635. La base de la monnaie mercantile, est la piastre mexicaine, et c’est sur cette base que se feront toutes les operations commerciales et l’échange sur l’étranger.
  • Art. 636. Cette même base servira pour les contrats faits à l’étranger et qui devront avoir leur complément dans la République mexicaine, de même que pour les lettres de crédit, chèques tirés d’autres pays.

Peu importe done qu’il s’agisse d’un étranger ou d’un mexicain, celui-ci comme le gouvernement mexicain peut se liberer en argent, c’est la loi qui le dit. Des lors, messieurs, comment les demandeurs pourraient-ils justifier leur pretention de se soustraire à l’application de cette loi générale et demander pour eux le paiement en une monnaie autre que celle qui est la monnaie du Mexique, en une monnaie exceptionnelle qui devrait être achetée?

Notez, messieurs, que c’est d’autant plus in justifiable que, lorsque le Mexique à pu realiser les proprietes, il en à reçu le produit en argent.

Je signale encore ceci, qui appellera peut-être une explication de mes honorables contradicteurs dans une autre audience: Pour quoi l’évêque de Grass Valley, dont le diocese est un des trois de la Californie n’est-il pas au procès? Sur les trois diocèses de Californie deux seulement sont representes, ceux de San Francisco et de Monterey, il y en à necessairement un troisieme qui n’est pas represents et que ne peut pas obtenir condamnation à son profit. Lorsque le premier debat à eu lieu devant la Cour mixte, celle-ci à eu devant elle les trois eveques representant les trois dioceses de Calif ornie; j’ignore pour quelle raison le troisieme n’est pas reprSsente aujourd’hui; mais je fais cette indication au point de vue du chiflre de la demande.

Enfin, il y à une consideration qui en tout cas n’aura pas Schappe à des jurisconsultes qui connaissent specialement cette matiere du droit international. Il est bien certain que si un peuple à un moment donné contracte une dette, cette dette doit être repartie sur l’ensemble du territoire. Si done en 1842 ou en 1845 le Mexique à employe des fonds dans un but politique quelconque c’est l’ensemble de son territoire qui devra rembourser la somme parce que c’est l’ensemble du territoire qui est cense en avoir profite; or, comme une grande partie, plus de la moitie du territoire s’est trouvee enlevee au Mexique, il se trouverait que M. Ralston devrait à certains moments changer de barre et venir s’asseoir à nos cotes comme defendeur pour une partie de la demande, car ce seraient naturellement les Etats-Unis qui, ay ant succede dans les droits comme dans les devoirs que peut avoir cette partie du territoire, devraient par consequent supporter cette charge; il y aurait la une repartition qui est juridique et elementaire et qui assurement ne serait pas contestee par les Etats-Unis.

A toutes nos observations juridiques les demandeurs ont repondu: Est-ce juste? Eh bien, si nous avons demontre que c’est bonforme au droit c’est juste, parce que ce qui est juste, c’est ce qui est conforme au droit. Nous disous done que s’il devait être decide que par le fait qu’on accepte un tribunal arbitral on fait abstraction de sa legislation nationale, il est evident que ce serait le bouleversement de toutes les notions que nous pouvons avoir sur le Tribunal international, et ce n’est certainement pas ainsi qu’il interpretera sa competence.

J’ai dit.

(La seance est levee à 5 heures et le Tribunal s’ajourne au lendemain à 10 heures.)