Réponse au mémorial sue la réclamation présentée par la gouvernement des États-Unis d’Amérique contre le Mexique relative au Fonds Pie Des Californies.

[Translation into French of foregoing answer.]

Sous réserve de produire au nom de la République Mexicaine les preuves des défenses qui seront exposés dans la suite, ainsi que les exceptions et les allégations convenables en vertu du droit accordé par le Protocole signé à Washington, le 22 mai dernier, le soussigné, dûment autorisé par le Gouvernement Mexicain, demande à la Cour Permanente d’Arbitrage de La Haye, de rejeter les réclamations en vertu des raisons suivantes:

1.
L’Archevêque de San-Francisco et l’Evêque de Monterey n’ont aucun titre à alléguer comme fidéi-commissaires légitimes du Fonds Pie des Californies.
2.
L’Eglise Catholique de la Haute Calif ornie n’a aucun droit d’exiger les intérêts provenant du Fonds supposé.
3.
L’inefficacité ou l’extinction des titres invoqués par l’Archevêque et par l’Evêque sus-mentionnés à l’appui de leur réclamation.
4.
La non-subsistance de l’objet attribué à l’institution du Fonds, en ce qui concerne la Haute Californie.
5.
La faculté exclusive du Gouvernement Mexicain d’employer le Fonds et de disposer de ses produits sans aucune intervention de l’Eglise Catholique de la Haute Californie.
6.
L’usage que le Gouvernement Mexicain a fait de la dite faculté.
7.
L’exagération de la réclamation.

I.

Les réclamants sont d’accord avec le Gouvernement Mexicain sur les faits suivants, établis par des documents irréfutables:

1.
Les Jésuites furent les fidéicommissaires ou administrateurs originels des biens qui formaient le Fonds Pie des Calif ornies jusqu’en 1768, année de leur expulsion des domaines espagnols.
2.
La Couronne d’Espagne, se substituant ainsi aux Jésuites, prit possession des biens constituant le Fonds Pie, et les administra par Pintermédiaire d’une Commission Royale jusqu’au moment de l’indepéndance du Mexique.
3.
Le Gouvernement Mexicain, ay ant succédé au Gouvernement Espagnol, devint, comme ce dernier l’avait été, fidéicommissaire du Fond, et à ce titre, le successeur des Jésuites missionaires avec toutes les facultés accordées par les fondateurs.

En s’attribuant le rôle de fidéicommissaire (trustees en Anglais), par succession, l’archevêque et l’evêque réclamants devraient établir leur [Page 44] qualité actuelle d’ayant-cause olu Gouvernement Mexicain, en vertu d’un titre quelconque, perpétuel, universel ou singulier. Autrement, l’attitude de créanciers qu’ils ont prise vis-à-vis de leur prétendu débiteur, resterait inexplicable.

Comme titre de succession que leur donna la répresentation immédiate du Gouvernement et celle médiate des Jésuites, ils invoquent le décret du Congrès Mexicain expédié le 15 septembre 1836, ordonnant la mise à la disposition de l’évêque de Californie, et de ses successeurs, des biens qui appartenaient au Fonds Pie des Californies, pour être par eux administrés et appliques à leurs intentions ou autres fins analogues, la volonté des fondateurs devant toujours être respectée. Mais les réclamants eux-mêmes admettent que le décret précité fut abrogé le 8 février 1842, par le Général Santa-Anna, Président Provisoire de la République, muni de facultés extraordinaires et qui restitua au Gouvernement Mexicain l’administration et l’emploi du produit de ces biens, selon qu’il le jugeait convenable afin d’atteindre les buts visés par les fondateurs: la civilisation et la conversion des sauvages. Le 24 octobre de la meme année, la vente de ces biens fut ordonnée ainsi que Pincorporation au Trésor National pour constituer ainsi un “census consignativus” au taux annuel de 6 pour cent aux intentions de la fondation primitive.

Aucune loi postérieure ne donna aux Evêques des Calif ornies, la faculté de toucher et d’appliquer à leur but, les intérêts, du “census” indiqué. Il est vrai qu’un autre décret fut expedie par le Gouvernement Mexicain le 3 avril 1845 ordonnant que tous les biens encore invendus du Fonds Pie, fussent remis à l’Evêque des Calif ornies et à ses successeurs en vue des fins exprimées par Particle ó de la loi du 19 septembre 1836, sous resérve “de ce que le Congrès disposa touchant les biens déjà vendus.” Bien que le taxte de ce décret ait servi de pretexte au surarbitre de la Commission Mixte de 1875, pour affirmer que Pobligation y etait reconnue de remettre à l’Evêque les produits du fonds, les avocats des réclamants n’ont pas jugé convenable de l’alléguer à Pappui de leur demande actuelle, sans doute parce que ce decret vise les biens encore invendas dont le montant n’avait pas été incorporé au Trésor National, et non les intérêts ou les redevances du produit des biens vendus, et sur lesquels le Congrès s’était réservé expressément la faculté de pourvoir. Aucune résolution ne fut prise à ce sujet et en conséquence, ce dernier décret n’a pas modifié la situation créée à l’Evêque des Calif ornies par le décret du 8 février 1848, qui lui retira la faculté d’appliquer aux missions les intérêts du ó pour cent annuel sur le produit des biens déjà vendus, intérêts qui sont précisément l’objet de la réclamation actuelle.

II.

L’Eglise Catholique de la Haute Calif ornie ne put jamais administrer de son propre droit le Fonds Pie des Californies, ni en réclamer le produit, pour la raison très simple que ce droit ne lui fut pas accordé par les fondateurs, non plus que les Jésuites qui en furent les premiers fideicommissaires ou par le Gouvernement Espagnol qui les remplaç, ou encore par le Gouvernement Mexicain qui succéda à ce dernier, et pareillement à celui-ci et aux Jésuites, eut la facultà d’appliquer les biens due Fonds en litige aux missions des Californies ou à d’autres dans ses domaines, à son jugement et à sa discrétion. Cette faculté [Page 45] “discrétionnelle” qui est l’attribut du droit parfait, n’admet pas de contrainte. En conséquence, même en concédant por supposition, à l’Eglise Catholique de la Haute Californie, la représentation des missions des Jésuites (supprimées expréssement par le Pape Clement XIX, l’année 1773) cette Eglise n’aurait pas le droit de réclamer les intérêts du Fonds Pie. Le décret du 19 Septembre 1836 sus-mentionné invoque par les réclamants à l’ appui de leurs prétendus droits, conféra seulement au premier Evêque des Calif ornies et à ses successeurs, l’administration du Fonds, selon le bon vouloir du Gouvernement avec l’obligation d’en employer les produits aux intentions visées par les fondateurs ou à d’autres analoges. Mais il ne leur donna pas un droit irrévocable, non plus qu’à l’Eglise qu’ils représentaient; en outre, il fut abrogé par le décret du 8 février 1842 qui enleva aux Evêques des Calif ornies l’administration du Fonds pour la restituer au Gouvernement.

Cette réclamation ne pouvant invoquer comme titre aucune loi en vigueur, les réclamants cherchent à y suppléer par ce qu’ils appellent un instrument de constitution (fondation deed) de l’œuvre pie, ou par la décision rendue le 2 octobre 1875, par la Commission Mixte de Réclamations etablie à Washington, d’après la convention passée entre le Mexique et les Etats-Unis, le 4 juillet 1868, s’efforçant de la faire apparaître comme génératrice de res judicata.

A.
Pour établir que le premier titre ne favorise pas les intentions des réclamants, il suffira de citer les causes suivantes de Pacte qu’ils acceptent comme le modèle des dons qui formèrent le Fonds:

“Cette donation—nous la faisons—aux dites missions fondées et restant à fonder aux Calif ornies, ainsi que pour le maintien de leurs religieux, le soutien et la décence du Culte Divin, pour le secours qu’ils ont coutume de donner aux indigènes cathé-cumènes et convertis pour la même (probablement miserie) de ce pays: de sorte que, si dans les temps à venir, pour la réduction et pour les missions commandées par la grace de Dieu, il y avait des ressources, et que leurs terres fussent cultivées, sans qu’il fût nécessaire de les emporter de ces terres, les fruits et les produits des dites fermes devront être appliqués à des missions nouvelles—et, si la Compagnie de Jésus, de son gré ou par contrainte, abandonne les dites missions des Californies, ou si,—ce qu’à Dieu ne plaise,—les indigènes se soulèvent et apostasient notre sainte foi, ou dans toute autre éventualité, il restera à l’arbitre du R. P. Provincial de la Compagnie de Jésus dans cette Nouvelle Espagne, et quel qu’il soit, à, appliquer les produits desdites fermes, ainsi que leurs revenus et redevances à d’autres missions dans les territories de cette Amérique Septentrionale qui ne sont pas encore découverts, ou à d’autres de “l’universo mundo” selon qu’il le jugera le plus plus agréable à Dieu, Notre Seigneur, et de telle sorte que toujours et perpétuellement, le Gouvernement desdites fermes soit dans les mains de la Sacrée Compagnie de Jésus et prélats, sans qu’aucun juge, ni ecclésiastique, ni séculier, ait le droit d’intervenir dans l’accomplissement de cetta donation, notre volonté étant qu’aucune prétention ne puisse être déduite à ce sujet, et que la Sacrée Compagnie de Jésus remplisse ou non les intentions des missions, elle ne soit tenue d’en rendre compte qu’a Dieu, Notre Seigneur.”

B.
La décision ci-dessus mentionnée, rendue à Washington, le 11 novembre 1875, n’a pu préjuger sur la réclamation présentée, et par rapport à laquelle, en conséquence, il n’y à pas de chose jugée. Il s’agit maintenant d’une demande d’intérêts nouveaux, et, bien que les réclamants aient allégué que le Mexique était condamné à payer les intérêts échus jusqu’à une certaine date, il fut déclaré implicitement que le capital existait et devait produire des intérêts. Ce pouvait être là des considérations ou des motifs à l’appui de la declaratión faite sur l’obligation à la charge de la République Mexicaine de payer une certaine somme pour les intérêts échus, l’unique objet de la réclamation. L’immutabilité d’un jugement et sa force de chose jugée n’appartiennent qu’à sa conclusion, c’est-à-dire à la partie qui prononce l’acquittement [Page 46] ou la condamnation, quod jussit vetuitve. Cette proposition est presque indiscutable et voilà pourquoi la plupart des auteurs, quand ils exposent la théorie de la chose jugée, l’attribuent seulement à la partie résolutive du jugement, alors qu e son extension à la partie expositive (motifs) n’est controversée que par quelques-uns. Il est vrai qu’au nombre de ceux qui favorisent une telle extension, se trouvent des autorités aussi célèbres que celle de Savigny, mais celles qui professent l’opinion contraire ne sont pas moins respectables et sont plus nombreuses. L’éminent professeur que je viens de nommer déclare luiméme, textuellement, que: “Cest une doctrine trés ancienne appuyee par un grand nombre d’auteurs, que la vérité légale de la chose jugée appartient exclusivement à la résolution et qu’elle n’est pas partagée par les motifs,” et il résume sa doctrine: “L’autorité de la chose jugée n’existe que dans la partie dispositive du jugement.” (Savigny—Droit Romain, par. 291, tome 6, p. 347.) “La plupart desauteurs, ajoute-t-il, refusent absolument aux motifs l’autorité de la chose jugée, sans excepter même les cas où les motifs font partie dm jugement” (par. 293, tome 6, p. 282).

Griolet enseigne que “la décision suppose toujours diverses propositions que le juge a dû admettre pour faire une déclaratión sur les droits disputés, et qui, ordinairemeht sont exprimées selon notre droit (le droit français) par le jugement, ce sont les considérants (motifs). Nous avons déjà dit, contrairement à l’opinion de Savigny que les motifs tant subjectifs qu’objectif s, ne doivent pas partager l’autorité du jugement, car il ne rentre pas dans la mission du juge, de se prononcer sur les principes juridiques ou sur l’existence des faits … Nous ayons done déjà démontré que dans tous les cas qui peuvent se présenter, l’autorité de la chose jugée ne comprend pas les motifs du jugement, ni même l’affirmation ou la négation de la cause des droits jugés”

Le même écrivain ajoute: Aucun de nos auteurs n’enseigne en effet un système analogue à celui de Monsieur Savigny sur l’autorité des motifs, et la jurisprudence française admet le premier principe: que l’autorité de la chose jugée n’appartient à aucun des motifs de la décision.—(Griolet, de l’autorité de la chose jugeé, par. 135, 168, 169 et 173.)

Quand au droit Prussien, Savigny dit lui-même: “Quant à l’autorité des motifs, il existe un texte qui paraittout d’abord l’exclure absolument, en attribuant une importance, considérable à la partie qui contient la décision judicaire (All. Gerichte Ordnung, 1, 13 13 p. 38) Les collèges des juges et les rapporteurs des jugements doivent distinguer soigneusement entre la décision réelle et ces motifs, et leur donner une place differente sans les confondre jamais, parce que de simples motifs ne doivent jamais avoir l’autorité de la chose jugée. (D. R. par. 294—tome 6—pp. 389 et 390).

Les tribunaux espagnols ont rejété constamment les recours en cassation interjetés contre les fondements du jugement définitif, parce qu’ils n’ont voulu reconnaitré l’autorité de la chose jugée qu’à la partie dispositive, la seule matieère de recours (Pantoja, Repert pp. 491, 955, 960, 970 et 975.)

Dans l’espèce spéciale (qui est la nôtre) d’une demande d’intérêts fondée sur le jugement qui les déclara düs, après avoir entendu les défenses du défendeur contre le droit invoqué sur le capital ou sur la rente, Savigny à pour opinion que ce droit a, en sa faveur, l’autorité [Page 47] de chose jugée, mais il remarque immédiatement que Bucka résout la question dans le sens opposé, selon le droit romain; que les Cours Prussiennes ont decide dans le même sens parce que la reconnaissance d’un droit par les motifs de la decision n’appartient vraiment qu’au jugement dont la partie resolutive constitue la chose jugée, etil ajoute: Nous n’avons pas sur ce point la décision du droit romain et les textes que Ton invoque si souvent n’ont rien à faire avec le sujet.” (D. R. par. 294—num. 3 et 4, note (r) du num 7 et par. 299, num. 4, tome 6, pp. 397, 401 et 446.)

Et cependant Ulpien dit: Si in judicio actum sit use roeque solæ petite sini, non est verendum ne noceat rei judicate exceptio circa sortis petitioner: Quia enim non competit nec apposita noceat. Tel est le principe de la loi 23 D. de Except rei jud. et, bien qu’il semble contredit par ce qui le suit, cette antinomie apparente est expliquée par Griolet (pp. 46 et 47) d’une facon satisfaisante. C’est à lui que je me suis réferé en faisant les citations précédentes au sujet de cette question qui n’a encore été traitée que légèrement dans la correspondance diplomatique échangée sur la réclamation présente.

Et je dois aj outer que si ce qui vient d’être dit est vrai en ce qui concerne les jugements rendus par des juges revêtus de l’autorité publique pour décider sur un cas, sur ses motifs et sur ses conséquences, l’absolutisme de cette vérité est encore plus complète en ce qui touche les décisions rendues par des arbitres sans juridiction véritable et sans autres facultés que celles accordées par le compromis. Donc, tout ce qui vise l’exception et Faction de la, res judicata” étant d’interprétation stricte (Griolet-de l’autorité de la chose jugée p. 68) doit l’être plus encore lorsqui’il s’agit de l’appliquer aux décisions arbitrales.

Dans cette discussion, une loi romaine dit: De his rebus et rationibus et controversiis judicare arbiter potest, que ab initie fuissent inter eos qui compromisserunt, non quæ, postea supervenerunt (L. 46 D. de recept. qui arb.) et l’effet attribué par le droit civil aux décisions arbitrales etait si limité qu’il ne leur accordait pas de produire les effets de chose jugée. La loi I du code de recept dit: Ex sententia arbitri ex compromisso jure perfecto arbitri appellari non posse saepe receptum est; quia nec judicati actio indepraestari potest.”

L’inefficacité des décisions arbitrales du Droit International, à servir pour la décision des cas futurs, quoiqu’ils pussent être analogues à ceux déjà jugés, à été expressément reconnue par le Gouvernement des Etats-Unis d’apres ce que l’on voit dans l’ouvrage de Moore “International Arbitrations,” au sujet de la Commission Mixte, qui siégea Halifax, en vertu du traite de Washington, et qui condamna les Etats-Unis à payer au Gouvernement Britannique cinq millons et demi de dollars à titre de dommages et intérêts pour le préjudice causé par des pêcheurs américains, et, dans l’espèce de réclamation présentée par le Ministre d’Espagne, Sénor Muruaga, le motif en était la confiscation de coton considéré comme contrebande de guerre dont les sujets espagnols Mora et Larrache avient souffert. Le Secrétaire d’Etat des Etas-Unis, T. F. Bayard, a dit dans sa communication du 3 decembre 1886: Les décisions des Commissions Internationales * * * nesontconsidéreés comme ay ant d’autorité que sur l’espèce particulière jugée * * * d’aucune facon elles ne lient les Etats-Unis, sauf dans les cas où elles furent appliquées (Papers relating to the For. Rel. of the U. S., vear 1837, p. 1021).

Le même honorable Secrétaire disait dans le document précité “Ces [Page 48] décisions s’accordent avec la nature et les termes du traité d’arbitage’s tenant compte, sans doute, que: Omne tractatum ex compromisso sumendum: nee enim aliud illi (arbitro) licebit, quam quod ibi ut officer epossit cautum est; non ergo quodlibet statuere arbiter poterit, nec in que re libe nisi de qua re compromissum est”

Si l’on se rappele les stipulations de la Convention citée, du 4 juillet 1868, l’on est convaincu que les réclamations des citoyens Américains contre le Mexique et celle des Mexicains contre les Etats-Unis, soumise au jugement de la Commission Mixte créée par la dite Convention, devaient indispensablement réunir les trois conditions suivantes:

1.
Avoir pour origine, des événements postérieurs au 2 février 1848, et anterieurs au 1 février 1869 (date de l’échange des ratifications de la (Convention).
2.
Avoir pour objet des préjudices estimables en argent, occasionnés aux individus ou aux biens des réclamants de Pun des deux pays, par les autorités de l’autre.

On remarquera de suite que la réclamation des intérêts dont on sollicite aujourd’hui le paiement, nepeut être considérée comme remplissant la première et la troisième des conditions énumérées. Il me semble inutile de m’arrêter à le démontrer ou de continuer à discuter le peu de fondement avec lequel on allègue la chose jugée dans la nouvelle réclamation présentêe contre le gouvernement Mexicain. La décision que prononya l’arbitre en 1876 fut complètement et absolument exécutée par le paiement effectué par le Mexique de $904,070.79 en or mexicain, qu’il était condamné à payer et cette décision est inapplicable à la nouvelle réclamation.

Lors même qu’en vertu des allégations antérieures, il serait jugé que la réclamation actuelle ne fut pas réglée par la décision prononcée en 1875, la première objection, l’exception la plus claire que Pon put opposer à la demande, e’est. que le droit que les réclamants auraient pu avoir au commencement de l’annee 1848, fut complétement éteint en vertu du traité de paix et d’amitié, de la même année, entre le Mexique et les Etats-Unis; l’article 14 en effet déclara que toutes les créances et toutes les réclamations non résolues jusqu’alors et que les citoyens de la seconde de ces puissances pourraient avoir à présenter contre le Gouvernement de la première, devraient être considérées désormais comme éteintes et comme annulées pour toujours. Voici le texte de l’article de ce traité qui contient la disposition invoquée et je le cite en anglais, afin qu’il soit mieux compris par la partie plaignante. Il est ainsi formule:

XIV.

The United States do furthermore discharge the Mexican Republic from all claims of the United States not heretofore decided against the Mexican Government, which may have arisen previously to the date of the signature of this treaty, which discharge shall be final and perpetual, whether the said claims be rejected or be allowed by the board of commissioners provided for in the following article and whatever shall be the total amount of those allowed.

A cette exception péremptoire les réclamants répondent qu’ils ne demandent pas les intérêts échus avant la date du traité, mais ceux échus après cette date, et equ’ils ne réclament pas le capital parce qu’ils ne s’y reconnaissent aucun droit, le Mexique pouvant le garder [Page 49] indéfiniment. En répondant ainsi, les réclamants oublient que l’article précité (XIV) ne libére pas seulement le Mexique des réclamations ou des demandes pouvant être présentées immédiatement, mais de toutes les créances (all claims) non encore tranchées (not heretofore decided) à la charge de son Gouvernement; et tel est le cas pour la créance du Fonds Pie qui comprend en tout, le capital et les intérêts. Le mot anglais claim, qui signifie la réclamation ou la demande de ce que nous croyons, avec droit, nous appartenir, comme la cause, l’origine ou le fondement de cette demande, comprend en effet tout cela: “a right to claim or demand something; a title to any debt, privilege or other thing in possession of another; also a title of any thing which another should give or concede to, or confer on, the claimant,” d’après ce que dit Webster dans son dictionnaire, l’autorité linguistique la plus compétente aux Etats-Unis, et qui pénètre partout où la langue anglaise est parlée. (Voyez le Dictionnaire Anglais de Webster, article claim, deuxième acception.)

Cette interprétation de Particle XIV est confirmée par la lecture du commencement de l’article suivant, (XV) dont le texte anglais dit ceci: “The United States exonerating México from all demands on account of the claims of their citizens mentioned in the preceding article and considering them entirely and for ever cancelled.” Ici, l’on voit bien la distinction entre demands et claim et l’on remarque que ce dernier mot est pris dans le sens due titre ou droit conféré par son origine à une réclamation quelconque.

Il ne pouvait en être autrement puisque l’intention manifeste de cette convention, fut de ne rien laisser en suspens qui fût susceptible d’altérer ou de troubler les relations pacifiques et amicales renouvelées par ledit traité. Aussi, ce que l’on fait très souvent dans des traités du même genre: l’extinction complêté de toutes les réclamations, et de tous les motifs de réclamations en suspens ou qui par suite de faits antérieurs, pourraient surgir entre les deux Gouvernements, fut stipulée, sans abandon toutef ois de l’intérêt des particuliers. L’article XV don’t le premier paragraphe a été copié pourvoyait a cet intérêt. Il ordonnait que trois millions et un quart de piastres fussent réservés pour faire face aux réclamations approuvées par une Commission Américaine nommée à cet effet, et ètablie par le Gouvernement des Etats-Unis, et devant laquelle les représentants de l’Eglise Catholique de Californie auraient du se présenter s’ils avaient eu conscience de leurs droits. Pour n’avoir pas voulu se présenter à cette époque, ils ne sont pas du tout autorises à réclamer aujourd’hui contre le Mexique, qui resta libéré de toute responsabilité, from all demands on account of the claims of their (of the United States) citizens.

En présence des articles invoqués du traité de Guadelupe Hidalgo le plus solennel de tous ceux que nous ayons signés avec la Nation voisine, et toujours en vigueur parce que de son essence il est de nature perpétuelle, il paraît inconcevable de soutenir que la créance du Fonds Pie ne fut pas éteinte en vertu des stipulations du dit traité. Quel était le privilège de ce Fonds qu’il ne fût pas compris dans la declaratión absolue du traité? Il n’y à pas à s’étonner que les avocats des réclamants, à bout de ressources, aient, pour contester cette défense, cherehé à limiter sur ce point les effets du traité à l’extinction des intérêts du Fonds, échus avant le mois de février 1848. Mais il est inexplicable, qu’une semblable interprétation ait été admise par la décision arbitrate signée par Sir Edward Thornton. Voilà pourquoi, [Page 50] entre autres motifs, nous considérons la dite décision comme notoirement injuste, puisque aucune injustice ne peut être plus évidente que celle d’une decision jugeant sur une question êntre las citoyens d’un pays et le Gouvernement d’un autre, en opposition expresse avec les stipulations d’un traité solennel conclu par les deux pays et dont la vigueur n’est past en cause.

Lors même que, contre toute probabilité, on en viendrait à décréter que le traité de Gaudalupe Hidalgo laissa ouverte la créance (the claim) des citoyens américains contre le Mexique, touchant le Fonds Pie, créance existant, allègue-t-on, au moment de la signature du traité, il y aurait encore un motif d’extinction de cette créance et par consêquent du droit à exiger les intérêts du capital. On sait en effet que la République Mexicaine, en vertu de ses droits souverains et pour des raisons de haute politique exposées par le Commissaire Mexicain dans son rapport de 1879, décréta en 1856 en 1859, d’abord la désamortisation pius la nationalisation des biens ecclésiastiques, ce qui, à proprement parler, n’est autre chose, que l’interdiction au clergé de continuer à administrer ces biens nationaux. Si, comme on l’a dit fort justement, la validité et les motifs de cette détermination peuvent être contestés au point de vue du droit canonique, ils sont indiscutables sous leur aspect politique et social; et ils ne le sont pas moins si l’on tient compte des résultats favorables de cette détermination qui consolida la paix et stimula les progrès de la République.

Il semble clair au point de vue du droit commun et du droit international privé, que le capital, dont les intérêts sont réclamés, devait être considéré comme bien immeuble, si l’on tient compte de son caractère de census consignativus ou de cens en général, et du fait qu’il. (Sala Dro. Real de España, torn. 1, lib. 2, tit. 14 et les auteurs qu’il cite) était soumis à la législation du pays sous la jurisdiction duquel il était constitué et fut rei sitae, quelle que fut la nationalité des créancers (censualistas).

D’autre part, il faut tenir en compte que les soi-disants créanciers ayant laissé passer maintes années sans exiger les intérêts qu’ils réclament maintenant, les ont par là assujettis aux lois du pays, sur la prescription. L’article 1,103 de notre Code Civil leur est done applicable. Il y est dit: “Les pensions ‘emphitéotigties’ (emphiteose—bail à longues années, 10 à 90 ans) ou censuelles, les rentes, les loyers et toutes autres prestations non exigées à leur échéance, seront prescrites après 5 années, à partir de l’échéance de chacune d’elles, que l’action reelle ou l’action personnelle soit exercée aux fins du recouvrement.

“Supposant même que la créance des réclament n’ait été eteinte ni par l’article XIV du traité de Guadalupe Hidalgo ni par les autres motifs que nous venons d’examiner, il en est un autre qui aurait déterminé son extinction d’après la législation mexicaine, à laquelle, sans aucun doute, est soumis un cens constitue par le Gouvernement mexicain en l’année 1842.

Lorsqu’il s’agit de régler la dette publique, le dit Gouvernement expédia à la date du 22 juin 1885 un décret convoquant tous ses créanciers en vue de l’etude et de la conversion de celles de leurs créances ayant pour origine des occupations, emprunts, ou tous faits ou affaires dont une responsabilité pourrait résulter à la charge du Tresor public. A cet effet un délai convenable fut fixé et prorogé plusieurs fois pour la présentation desdites créances. L’article 15 de la loi du 6 septembre 1894 était ainsi conçu; ‘Seront pour toujours [Page 51] prescrits sans que jamais dans la suite ils soient susceptibles de constituer un droit ou d’être exercés en aucune façon, les créances, les titres de dettes publiques et les réclamations suivantes—” Toutes les créances visées par les articles 1 et 2 qui ne seront pas présentées à cette conversion dans le délai fixé par l’article antérieur, ou bien que présentées, ne rempliraient pas les conditions établies par ce décret.”

Il est indiscutable que les créances supposées pour ce capital et pour les intérêts réclamés au Gouvernement du Mexique par l’Archeveque et les Evêques de l’Eglise de la Haute Californie, ne furent pas presentées à la conversion, selon la loi de 1885, et que les soi-disants creanciers ne profitèrent pas du nouveau et dernier délai qui leur fut accordé par le décret de 1891, à l’article 14. La caducité ou prescription d’action ou de défense “superveniente” laisserait même done sans aucun effet le jngement devenu autorité de chose jugée, d’après un principe de droit indubitable reconnu par les réclament actuels eux-mêmes.

IV.

Les réclament disent que l’objet du Fonds Pie des Calif ornies était de pourvoir à la conversión des Indiens et au maintien de l’Eglise Catholique aux Calif ornies. Ce but étant double, il y a une distinction à établir entre ses deux parties.

Le premier point, la conversión des Indiens paїens à la Foi Catholique et leur soumission au Souverain Espagnol doit être indiscutablement considéré comme le but principal et direct des missions confiées à la Compagnie de Jesus par le Roi Catholique, dotées par les fondateurs du Fonds Pie et subsidiées par le Trésor public du Mexique. Le second point, c’est-a-dire le maintien de l’Eglise aux Calif ornies, ne fut pas le but principal ni direct de l’institution du Fonds, mais seulement le moyen d’opérer la conquête spirituelle des Indiens sauvages par les religieux missionaires.

Cette distinction établie on voit immédiatement que le Culte Catholique fut un but des missions, subordonné à celui de la conquêté spirituelle des Indiens sauvages. Il s’ensuit que la non-existance des Indiens sauvages ou idolâtres dans une contrée donnée, où la suppression des missions catholiques pour les dominer ou les christianiser devrait produire la suppression des subsides affectés aux missionnaires et, non, en aucune façon, leur application exclusive au maintien du culte catholique, à moins de violer ouvertement la volonté des bienfaiteurs de cette pieuse fondation.

A l’expulsion de Jésuites, ordonnée par le Roi Charles III, et dont la cessation des missions de la nouvelle Espagne fut la conséquence, sinon à la suppression de Pordre, déclarée par Clement XIV, dans son Bref du 21 juillet 1773, paragraphe 32, et qui dit: “Touchant les missions sacrees, lesquelles nous voulons qu’elles soient comprises également dans tout ce qu’il été dispose sur la suppression de la Compagnie, nous réservons d’établir des moyens par lesquels il sera possible d’obtenir avec une plus grande facilité et une plus grande stabilité le conversion des Indiens ainsi que la pacification des dissensions.”

Il faut remarquer que les missions fondées par les Jésuites ne depassérent jamais les limites de la Basse Calif ornie. Leur mission la plus septentrionale fut celle de Sainte-Marie sous le trente et unième degre de latitude et en dehors de la démarcation de la Haute Calif ornie, fixée par le traité de Guadaloupe Hidalgo.

[Page 52]

Les missions de la Haute Californie furent entreprises après l’expulsion des Jésuites, non par la Compagnie de Jésus, par le Saint-Siège ou une autre autorité ecclésiastique quelconque, mais sur les dispositions du Vice-Roi de la nouvelle Espagne approuvées par le Roi en 1769 et 1762.

Les missions de la Haute Calif ornie étant des entreprises nationales furent naturellement abandonnées par le Gouvernement Mexicain au moment de l’acquisition de cette contrée par les Etats-Unis. Cet abandon fut imposé par le changement d’autorité et de juridiction sur le territoire aliéné aux Etats-Unis, et il était en outre une dérivation de la faculté privative que le Gouvernement Mexicain avait héritée du Gouvernement Espagnol, de supprimer des missions et d’en fonder de nouvellespour le conversion des infldèles dans ses domaines.

Non seulement les missions de la Haute Californie prirent fin depuis le 7 juillet 1846 comme entreprises nationales à la charge du Gouvernement Mexicain, mais l’Eglise catholique elle-même cessa d’exister comme entité légale, puisque son rétablissement comme corporation n’eut lieu que le 22 avril 1850, en vertu du statut de cette date de l’Etat de Californie.

Enfin, il faut tenir compte qu’il n’existe pas dans la Haute Californie de tribus d’Indiens sauvages dont la soumission au pouvoir séculier de la Nouvelle Espagne et la conversion à la foi catholique fussent le but principal ou l’objet direct des missions des Jésuites dotées des biens du Fonds Pie des Californies.

V.

Les réclament ne prouvèrent jamais qu’une loi ou une disposition fut expédiée par une autorité légitime, imposant des restrictions à cette faculté. En l’exeryant, le Gouvernement Mexicain ordonna par le décret du 15 septembre 1836 que l’administration du Fonds fut confiée à l’Evêque de Californie et à ses successeurs en qualité d’employés dudit Gouvernement. Le décret du 18 fevrier 1842 retira cette commission à l’Evêque et à ses successeurs. Le décret du 24 octobre 1842 ordonna la vente des biens qui formaient le Fonds et leur capitalisation à census consignativus sur le Trésor National; et deux ans et demi plus tard il ordonna la dévolution à l’Evêque de Calif ornie et à ses successeurs des créances et autres biens encore invendus, tout en se réservant expressément, par le décret du 3 avril 1845, la faculté de disposer du produit des biens vendus dont les intérêts sont précisément l’objet de cette réclamation.

Cette faculté privative du Gouvernement Mexicain est reconnue par les réclament. Dans leur réplique envoyée le 21 février 1901, à l’hon. John Hay, Secrétaire d’Etat des Etats-Unis, par MM. Jackson H. Ralston et Frederick L. Siddons, avocats des Evêques catholiques romains de Californie, se trouvent les mots suivants: “No dispute has ever been raised as to the right of the Mexican Government to administer the property in question … Mexico must continue the trust relation which she has herself assumed … It should be borne in mind that we never have had or made any claims to the principal. From its origin it has been in the hands of trustees: First the Jesuits, then in the Spanish crown, then in the Government of Mexico, then in the bishop tender the law of 1836, then from February 8, 1836, again in the Mexican Republic. All of these changes were accomplished by law, the act of the sovereign.”

[Page 53]

VI.

L’usage fait en 1842 par le Gouvernement Mexicain du droit souverain de recouvrer la faculté d’administrer le fonds et d’en affecter le produit sans aucune intervention de l’Eglise Catholique des Californies, ne peut être considéré en droit comme la cause d’un dommage fait à la partie réclamante: “qui jure suo tititur neminem lædit”

Par cette même raison, le fait que le Gouvernement Mexicain, du moment oú cessa son autorité sur la Haute Californie, concentra sur la Basse Californie ses soins et sa protection tant dans l’ordre civil que dans l’ordre ecclésiastique, et que dès lors il cessa d’appliquer à la Haute Calif ornie les rentes destinées à stimuler les missions catholiques, ce fait ne peut pas justifier davantage les réclamations contre la République Mexicaine.

Les missions des Jésuites dans cette contrée n’existaient plus; les habitants n’avaient plus besoin de recevoir du Mexique des provisions, des habillements et autres ressources pour subsister; leurs terres étaient destinées à être cultivées, elles le furent en effet et devinrent merveilleusement productives. Etant donne ces circonstances, le Gouvernement avait la faculté “discretionnelle” en sa qualité de fidéicommissaire, substitué aux Jésuites, d’employer les produits du Fonds à d’autres missions sans donner lieu par là à aucune censure, plainte ou réclamation de qui que ce fût et conformément en tous points à la volonté des fondateurs, exprimée dans l’acte de constitution du Fonds d’après les mots textuellement cités plus haut.

VII.

L’exagération de la demande, ou plus pétition se démontre de plusieurs manières, et tout en me réservant de présenter au cours de la procédure une liquidation qu’il n’a pas été possible d’achever jusqu’à présent, je crois devoir faire les remarques suivantes:

D’abord, il est bien évident que la demande faite aujourd’hui du paiement en monnaie d’or Mexicaine des intérêts réclamés s’autorisant de ce que d’autres intérêts du même capital furent payés de cette monnaie, en vertu du jugement rendu en novembre 1875, équivaut à demander le double du montant de l’intérêt à 6 pour cent sur leque, un droit à été allégué. La raison en est que—personne ne l’ignore—en 1875 la valeur de l’or par rapport à celle de Pargent était presque exactement de 16 à 1 tandis qu’aujourd’hui cette proportion s’élève à plus du double de cette valeur. Or, les biens du Fonds Pie furent estimes en piastres argent, ils furent vendus pour la valeur représentée par cette monnaie, et le produit de leur vent fut reconnu par le Gouvernement Mexicain en faveur dudit fonds. Le Mexique n’a pas eu et n’a pas encore aujourd’hui d’autre étalon pour sa monnaie, que la piastre argent; il ne frappe d’or que pour une somme très minime et cette monnaie n’est pas en usage dans les transactions commerciales. Lorsque les réclament demandent à titre d’intérêts cette somme en dollars, ils parlent des piastres de leur pays, qui ont cette dénomination, bien entendu parce qu’elles sont en or. L’or Mexicain dont ils parlent vaut un peu moins que l’or américain; mais dans tous les cas, les dollars d’or mexicains ont une valeur double de celle des piastres en argent; la seule monnaie au moyen de laquelle les intérêts du Fonds Pie devraient être payés s’ils étaient dus aux réclamants.

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La prétention des Evêques Californiens est done usuraire lorsqu’ils réclament non le 6 pour cent du capital mais plus de douze pour cent par an.

Un autre point sur lequel la réclamation est exagérée, e’est lorsque, ne se bornant plus à exiger la moitié des intérêts du capital, ce qui serait déjà excessif, considérant que Pautre moitié devrait revenir aux missions de la Basse Californie les réclament formulent une demande des 85 pour cent en s’appuyant sur le fait que cette proportion est celle qui existe entre les populations de la Haute Californie des Etats-Unis et de la Basse Californie du Mexique. On oublie en raisonnant de la sorte que le Fonds avait été destiné à la conversión des sauvages et à l’amelioration de leur sort, et non à la population tout entière des Californies. Pareil raisonnement serait admissible si toute la population des deux Californies était composée d’Indiens sauvages. Une telle pretention est insoutenable et démontre uniquement le zèle immodere dans l’espéce des avocats et des conseillers des réclament. Pour satisfaire à l’esprit de la volonté des fondateurs, on devrait considerer non la proportion de la population to tale des deux Californies mais celle qui existe entre les Indiens non convertis et non civilisés de l’une et de l’autre. Et il est bien avéré que dans la Californie Americaine il n’y en a pas beaucoup et peut-etre pas un seul, qui se trouve dans la situation prévue.

Un autre excès de la réclamation consiste à faire entrer les biens appartenant au Marquis delas Torres de Rada dans la valeur de ce qui est réclamé. Le montant de ces biens constitue indubitablement la plus grande part de la réclamation et cependant il n’y à pas de motif légal pour les réclamer. Cette assertion etonnera sans doute les réclament qui se sont livrés à une étude très détaillée de tout ce qui concerne la donation des dits biens au Fonds Pie; mais il faut tenir compte que tout récemment on a découvert dans l’archive générale de la République des données très importantes établissant ce point. Ces donnés se trouvent dans le livre imprimé au XVIIIe siècle, que je présente avec cette réponse et dont l’autenticité sera bien et dûment établie. Ce livre prouve qu’un procès très étendu fut suscité par la succession du Marquis de las Torres de Rada et que le jugement final, rendu par le Conseil Suprême des Indes en Espagne, à cette époque tribunal de dernier ressort, déclaranuls et non avenus les inventaires et les estimations des biens qui, laissés à, sa mort par le Marquis sus-mentionné, et nulle et sans aucune valeur l’adjudication qui fut faite de ces biens à la Marquise sa veuve. Ce jugement, rendu en dernière instance laissa sans effet. les volontés de la Marquise Douairière de las Torres de Rada, et par la même sentence, celle du Marquis de Villa Puente exprimées dans le testament que ce dernier fit au moyen d’une procuration pour tester au nom de la Marquise. Or, ce testament fut la base de la donation que tous les deux firent au Fonds Pie, de biens qui ne leur appartenaient pas légalement.

Je n’insiste pas davantage sur ce point et je me rapporte au livre que je présente et principalement au jugement par lequel il se termine et dont l’original, d’après ce qu’il sera etabli à l’occasion, se trouve à l’archive Espagnole du Conseil Suprême des Indes. Il n’est point douteux que la donation des biens d’autrui faite par la Marquise au Fonds Pie fut nulle d’après le principe bien connu. “Nemo plus juris transfers potest quam ipse haderet.” Il y aurait done à déduire de la somme réclamée par les plaignants au moins la valeur des biens dont il s’agit.

[Page 55]

En conclusion, il me paraît qu’il à été demontré:

1.
Que les réclament n’ont pas de titres à se présenter comme fideicommissaires légitimes du Fonds Pie des Californies.
2.
Que l’Eglise de la Haute Californie n’a pas le droit d’exiger du Gouvernement Mexicain le paiement des intérêts pour le capital du Fonds supposé.
3.
Que les titres invoqués par l’Archeveque et l’Evêque réclament sont sans force dans ce cas, ou sont éteints, d’abord en vertu du traité de Guadalupe Hidalgo qui prononça l’extinction de toutes les créances des citoyens des Etats-Unis envers la République Mexicaine, en la libérant de toutes réclamations fondées sur des créances à sa charge existant le 2 février 1848, en faveur des dits citoyens, comme on le voit dans les articles 14 et 15 du traité. Même sans cette convention, le droit des réclament serait éteint en vertu des lois générales successivement votées en cette République et auxquelles, sans aucun doute, le sens qui constituait le Fonds Pie se trouvait assujetti.
4.
Que le véritable but de ce Fonds, l’objet auquel il était destiné, était la conversión des Indiens sauvages au christianisme ainsi que leur civilisation. Etant donné qu’il n’existe plus d’lndiens sauvages, il serait sans application dans la Californie.
5.
Qu’au Gouvernement Mexicain seul appartient le droit de donner dans son territoire ou en dehors de celui-ci, une application quelconque au Fonds, sans qu’il soit tenu de rendre compte aux Evêques de la Calif ornie de ses actes à ce sujet.
6.
Que si les demandeurs avaient un droit à réclamer des intérêts, ils n’auraient pas le droit d’exiger la somme qu’ils demandent et qui est excessive car ils estiment en or des sommes qui ont été calculées ne piastres argent. La différence entre ces deux espèces de monnaie n’est pas la même aujourd’hui que celle qui existait en 1875 à l’époque où le Mexique fut condamné à payer d’autres intérêts en or. D’ailleurs la portion des intérêts correspondant à la Haute Californie est évaluée sur la population et non sur le nombre des Indiens qui sont à convertir. Cette somme est encore d’une plus grande exagération; l’on veut comprendre dans la valeur du Fonds Pie les biens donnés par la Marquise de las Torres de Rada, dont la donation fut annulée comme le révèlent les documents nouvellement découverts.

Pour ces motifs et pour ceux qui seront allégués plus tard au nom du Gouvernement Mexicain, je demande respectueusement au tribunal de rejeter la réclamation proposée contre ce Gouvernement par les représentants de l’Eglise Catholique de la Calif ornie, réclamation opposée en général à la justice et spécialement au traité de paix et d’amitié en vigueur entre la République Mexicaine et les Etats-Unis d’Amérique.


Le Ministre des Affaires Etrangères,
Ignacio Mariscal.