No. 2.—Notification du conseil fédéral concern ant la neutralité de la suisse, (du 14 mars 1859.)

[484] Bien que les états de l’Europe jouissent pleinement aujourd’hui des bienfaits de la paix, l’on ne saurait disconvenir que la confiance dans la stabilité de cet état de choses n’ait subi un ébraulement et qu’il n’existe des motifs d’admettre *que la tranquillité générate pourra être troublée par la possibilité de graves événements.

Dans de telles conjonctures, la Suisse doit à sa dignité, à son caractère d’état indépendant et libre, comme à sa constitution politique et à son organisation, de se prononcer à temps et sans détour sur l’attitude qu’elle se propose d’observer en regard de certaines éventualités, suivant la position qui lui est faite par sa situation, son histoire, ses besoins intérieurs et ses rapports avec les états étrangers.

Le conseil fédéral le déclare done de la manière la plus formelle, si la paix de l’Europe vient à être troublée, la confédération Suisse défendra et maintiendra, par tous les moyens dont elle dispose, l’intégrité et la neutralité de son territoire, auxquelles elle a droit en sa qualité d’état indépendant, et qui lui ont éte solennellement reconnues et garanties par les traités européens de 1815. Elle accomplira loyalement cette mission envers tous également.

Les traités de 1815 déclarent, en outre, que certaines portions du territoire de la Savoie, qui font partie intégrante des états de sa Majésté le Roi de Sardaigne, sont comprises dans la neutralité Suisse.

[485] *Il résulte en effet de ces traités, savoir: la déclaration des hautes [Page 103] puissances du 29 mars 1815 et l’acte d’aceession de la diète suisse du 12 août 1815, l’acte final du eongres de Vienne du 9 juin 1815, (Art. 92,) la paix de Paris du 20 novembre 1815, (Art. 3,) et l’acte du même jour portant reconnaissance at garantie de la neutralité perpétuelle de la Suisse et de l’inviolabilité de son territoire, que les parties de la Savoie désignées dans ces actes sont au bénéfice de la même neutralité que la Suisse, avec la clause spéciale que, “toutes les fois que les puissances voisines de la Suisse se trouveront en état d’hostilités ouvertes ou imminentes, les troupes de sa Majesté le Roi de Sardaigne qui pourraient se trouver dans les provinces neutralisées, se retireront et pourront, à cet effet, passer par le Valois, si cela devient nécessaire; qu’aucunes autres troupes armées d’aucune puissance ne pourront y stationner ni les traverser, sauf celles que la confédération Suisse jugerait à propos d’y placer.”

Les dispositions précitées des traités généraux out été expressément confirmées dans tous leurs points par le traité spécial, qui a été conclu le 16 mars 1816, entre la confédération et sa Majesté leRoi de Sardaigne.

[486] Si dés lorsles circonstancesle réclament, et pour autant que la mesure sera nécessaire pour assurer et défendre sa neutralité et *l’intégrité de sou territoire, la confédération Suisse fera usage du droit qui lui a été conféré par les traités européens d’occuper les parties neutralisées de la Savoie. Mais il est bien entendu que si la confédération recourt à cette mesure, elle respectera scrupuleusement, et sous tous les rapports, les stipulations des traités, et entre autres celle qui dit que l’occupation militaire Suisse ne portera aucun préjudice à l’administration établie par sa Majesté sarde dans les dites provinces.

Le conseil fédéral déclare qu’il s’efforcera de se mettre d’accord avec le gouvernement de sa Majesté le Roi de Sardaigne au sujet des conditions spéciales d’une telle occupation.

Le conseil fédéral se livre, en terminant, à l’espoir que ces déclarations, aussi tranches que loyales, seront favorablement accueillies et que les hautes puissances sauront parfaitement apprécier le point de vue auquel il a dû se placer en présence de la situation politique actuelle et dans la prévision des éventualités qui peuvent surgir.

Il saisit avec empressement, etc.

Berne, le 14 mars 1859.

Au nom du conseil fédéral Suisse.

  • Le Président de la Confédération, STÆMPFLI.
  • Le Chancelier de la Confédération, SCHIESS.